Ouche, que voila un long message qui appelle beaucoup de commentaires, car très riche en questionnements.
Puisque tu m’impliques, je vais t’expliquer ce qui me démange. Peut-être trouverais-je auprès de toi ou des autres internautes des techniques appropriées de grattage.
Tout d’abord, revenons sur le nombre des adoptions internationales. Sur un strict plan quantitatif, ce n’est pas en 5-6 ans qu’il s'est effondré de plus de moitié, c’est au cours des 2 dernières années. Néanmoins, les années précédentes, le nombre considérable des adoptions au Vietnam et en Haïti a constitué l’arbre cachant la forêt.
J’ajoute que les Espagnols et les Italiens qui n’adoptaient quasiment pas il y a seulement 10 ans nous ont clairement dépassés. C’est là le point fondamental. Plutôt que de se calfeutrer dans leurs certitudes, il serait peut-être grand temps que nos décideurs politiques et administratifs se penchent sur ce qui se fait ailleurs, et analysent pourquoi nos cousins latins réussissent là où nous échouons.
Peut-être sommes-nous arrivés à un moment où il faudrait, comme nos voisins, renforcer nos OAA, en les rendant totalement professionnels, avec un vrai cahier des charges, un vrai financement et des exigences plus strictes en matière de critères de sélection (notamment en ce qui concerne les discriminations sur des bases sociales, religieuses, etc.).
La nouvelle donne "qualitative" que tu décris (sur les plans de l’âge, de la santé, des histoires difficiles des enfants, etc.) est tout à fait évidente. Il ne faut pas se voiler la face. C’est précisément parce qu’ils ont compris cette évolution que les Italiens et les Espagnols adoptent plus que nous. Ce serait bien de faire entrer cela dans le crâne de tous les CG français qui continuent à refuser d’instruire des demandes d’agréments pour des enfants grands ou des fratries. A côté de cela, beaucoup de nos interlocuteurs colombiens nous disent que les parents français qui adoptent de tels enfants sont mal préparés. Au lieu de se draper dans une dignité effarouchée, il serait sans doute opportun que nos autorités essaient d’étudier ce phénomène. Il y a manifestement un vrai problème de formation, qui ne peut être résolu que lorsque toutes les parties prenantes auront pris conscience collectivement de ces bouleversements.
A tous ces problèmes nouveaux (allongement des délais – une situation qui ne semble malheureusement pas devoir s’améliorer dans le futur, « dictature de l’immédiateté », accroissement de l’individualisme au détriment de la solidarité créant une diminution catastrophique du militantisme, etc.), certaines APPO réagissent de façon parfois « étrange », signe peut-être de la mutation sociétale que nous vivons aujourd’hui.
Bon, la Société Adoption Conseil et le bénévolat maintenant
Plusieurs adhérents de l’APAEC, plusieurs amis d’autres associations (EFA comme APPO) m’ont demandé si je connaissais cette société. Je suis allé voir ce qu’il en était sur Internet. Comme beaucoup, j’ai été gêné par le manque de transparence de la page de présentation.
Je t’ai appelé agacé (la nuit était trop douce ce soir-là sur le golfe du Morbihan pour que je sois en colère) car, comme tu le signales toi-même, la présentation de cette société paraissait t’instrumentaliser, en utilisant la participation à ton AU (de même que le statut d’administrateur d’APPO et modérateur de fora adoption) comme un argument de vente. L’anonymat entourant le reste laissait penser que tu n’avais pas été informé ou que tu étais partie prenante. Qu’on ait été pilier, talon ou 3ème ligne comme moi ou seconde latte ou number eight comme toi (le coup du « recul », je te le ressortirai, tu peux compter sur moi ! Recul, mon œil !), on ne supporte pas ces gazelles de trois-quarts qui viennent quand ça commence à castagner, balancent une vieille godasse puis foutent le camp en laissant les gros s’arranger entre eux (quoique les trois-quarts d’aujourd’hui… bon, passons !). D’où mon courroux (coucou !) Tu m’as alors expliqué ce que tu expliques dans ton post. Dont acte. Je note également la réponse de Carole, s’engageant à corriger cette présentation. C’est d’ailleurs déjà fait !
« Leur faire la peau »… euh je n’ai pas vu la texture des peaux en question et je ne tape habituellement pas sur les dames, donc je ne puis valider tes termes.
Pour ce qui est de leur mailing publicitaire, j’ai entendu, comme toi, qu’elles avaient utilisé, – de façon tout à fait irrégulière -, les adresses électroniques des signataires d’une pétition qu’elles avaient initiée pour des raisons totalement étrangères à leur société. Je ne sais pas si cela est vrai, je n’ai aucune preuve absolue. Je note seulement que Carole et Murielle ont œuvré associativement sur la Russie. Or des postulants ayant des dossiers dans des pays très variés et très différents de la Russie (cf notamment ton blog) ont été contactés, bien souvent à leur grand étonnement (un peu comme ces sociétés de télé-marketing qui t’appellent à toute heure du jour pour te proposer des cuisines, des double-fenêtres ou des plans de retraite). En revanche, ceux avec lesquels j’en ai parlé et qui n’avaient pas signé la pétition n’ont rien reçu. Coïncidence peut-être.
Y a-t-il une place pour une telle société ? Ses services peuvent-ils être rémunérés ?
Je te cite « Je suis plein d'admiration devant tout le bénévolat dans l'adoption, les dirigeants d'EFA, des APPO, du MASF, des OAA, de mes copains de Racines Coréennes et de la Voix des Adoptés qui passent du temps, de l'énergie, qui se remplissent de stress juste par altruisme et méritent de grands coups de chapeau » Nous ne faisons pas cela pour recevoir des coups de chapeau (ni d’autres types de coups d’ailleurs). Nous le faisons parce que nous le voulons, nous aimons cela, cela nous motive et parce que c’est notre façon de remercier ceux qui nous ont aidés quand nous sommes entrés dans le cheminement vers nos enfants. La notion de chaîne de l’amitié. Pas toujours remerciés ? Certes. Mais le sourire d’un enfant vaut bien plus que tous les remerciements non reçus ! Et quoique tu en dises, tu en fais de même, grand couillon. C’est quoi ce blog ? C’est quoi ces conférences où tu viens bénévolement ? D’ailleurs, dans ton post, tu passes 5 paragraphes à nous expliquer que tu es bénévole. Jean-Vital, arrête de te faire passer pour une marchande de melons !
Ce qui me gêne dans la Société Adoption Conseil, c’est qu’ils vont faire payer des activités que d’autres délivrent gratuitement (ne nous trompons pas : l’adhésion à une association couvre essentiellement les frais administratifs, l’organisation des réunions, des pique-niques, etc., les excédents allant dans l’aide auprès des enfants défavorisés).
Ce qui me gêne dans la Société Adoption Conseil, c’est qu’ils vont utiliser à titre rétribué ce qu’ils ont obtenu gracieusement lors de leur participation aux APPO, dans les fora qu’ils ont animés, etc.
Certes, tout métier s’apprend et avant d’exercer une activité rémunérée quelconque, on étudie dans des écoles, des universités, des entreprises formatrices, etc. Mais les choses sont claires dès le départ. Tu entres en fac de médecine pour devenir médecin. Tu rames pendant 10 à 12 ans pour, à l’âge de 30-35 ans, commencer à connaître un retour sur cet investissement. Ceux qui enseignent (et sont payés pour cela) savent que toutes les données qu’ils t’apportent seront à terme utilisées dans un but lucratif.
Dans le cas de l’associatif, les membres actifs s’engagent à aider les autres sans espoir de rémunération (sinon peut-être un sourire, une poignée de mains, un bisou d’enfant, un engagement à leur tour des personnes qu’ils ont aidées). Ce qui me gêne dans la Société Adoption Conseil, c’est qu’ils vont utiliser ce qu’ils ont glané dans leurs activités associatives pour en faire une entreprise. Tu appelles ça un « renvoi d’ascenseur ». Pour moi, c’est une récupération intellectuellement discutable d’informations obtenues auprès de gens qui ne savaient pas que leur participation serait utilisée commercialement. Ce n’est donc pas loyal.
Ce qui me gêne dans la Société Adoption Conseil, c’est une certaine forme d’exploitation de la fragilité des postulants, prêts à écouter tout un chacun qui leur fera miroiter l’espoir souvent vain qu’ « avec nous, ça ira plus vite »
Ce qui me gêne dans la Société Adoption Conseil, c’est comment vont-ils se tenir au courant des changements de procédures ou de tendances dans tous les pays du monde. Comment donner du conseil sur du moyen ou du long terme, alors que parfois même le court terme est difficile à maîtriser.
Ce qui me fait peur dans la Société Adoption Conseil, c’est que la rémunération de leurs prestations soit associée à un risque d’obligation de résultat. Nous connaissons tous des officines qui se sont créées dans des pays d’origine pour « aider » les postulants à trouver des enfants ou pour « aider » des enfants à retrouver leurs origines. Quitte à « fabriquer » des enfants non adoptables (l’exemple le plus extrême étant tes copains de l’Arche de Zoé, mais il y a eu d’autres cas d’intermédiaires véreux) ou de fausses mères. Même si la Société Adoption Conseil n’est, je l’espère, pas comparable à ces officines, le risque de devoir obtenir des résultats existe. Et là, si ça ne marche pas comme prévu (ou comme les postulants l’ont entendu ou espéré), ce ne sera pas « ni merci, ni merde », mais les tribunaux…. Avec encore une fois des retombées sur les dysfonctionnements de l’adoption internationale.
Ce qui me gêne dans la Société Adoption Conseil, c’est qu’après l’adoption elle « s’entoure d’un réseau de professionnels spécialisés ». Ca veut dire quoi ? Qu’ils vont dresser une liste de professionnels de chaque région (Choulot, De Monléon, Cocas, Cohen Herlem, Lévy-Soussan, etc.) et la vendront à leurs clients ? Quelle valeur ajoutée par rapport aux APPO ou aux OAA ?
Que des professionnels se fassent grassement payer pour faire des conférences me gêne moins (ils ont trouvé une bonne martingale pour exploiter leur savoir – et c’est sans doute aux organisateurs desdites conférences de veiller au niveau convenable de rétribution) que des bénévoles qui profitent de tout ce qu’ils ont appris pour en tirer des bénéfices.
Voila. C’est en cela que cette entreprise à but lucratif me gêne. Je n’empêcherais toutefois personne de faire appel à elle. Je pense seulement qu’on peut encore obtenir (quasiment) gratuitement les mêmes informations.
Et juste pour te taquiner pour finir :
Que dirais-tu si un jour une ancienne directrice de l’AFA, un administratif du SAI, un pédopsychiatre … créait un cabinet de conseil en adoption ?
PS : alors que je viens de finir cette (longue) réponse, je lis les messages de la Moush. Comme souvent, je suis tout à fait d’accord avec ses termes.
Bernard Tomianka