mardi 31 mai 2011

Quelques mots sur la puberté ....

Cet article est paru dans les Archives de Pédiatrie (revue référencée dans la littérature scientifique mondiale), toute citation de cet article doit donc reprendre son titre, ses auteurs et la référence au journal, merci.



Particularités endocrinologiques des enfants adoptés

JV de Monléon, L Goutchkoff, F Huet, Pédiatrie 1, Hôpital d’Enfants, CHU de Dijon,10 Bd Maréchal de Lattre de Tassigny, 21000 Dijon, France.
jvm@chu-dijon.fr

Introduction
Quasi inexistante jusqu’au années 1970, l'adoption et tout particulièrement l'adoption internationale s'est considérablement développée depuis le début des années 80. On estime à près de 100 000 le nombre d'enfants originaires de l'étranger et adoptés en France. À cet aspect quantitatif se rajoute un critère qualitatif, les enfants adoptés étant plus exposés à certaines pathologies. Chaque pédiatre est amené à voir régulièrement en consultation des enfants adoptés.
Cet article réalisé à partir de l'expérience de la Consultation d'Adoption Outre-mer du CHU de Dijon, expose les anomalies endocrinologiques, rencontrées chez les enfants adoptés, et la nécessité de surveiller leur croissance et leur puberté.

Problèmes non spécifiques
L’enfant adopté est avant tout un enfant, comme tout enfant, il peut présenter diverses pathologies endocriniennes, sans que celles-ci aient une relation, avec ses origines ou son histoire familiale. La plupart des pays d'origine, sont des pays moins favorisés que le nôtre et ne bénéficient pas d’une politique de santé publique développée. Ainsi tous les dépistages périnataux, réalisés de manière systématique et automatique en France, ne sont pas faits dans la plupart des pays du monde. Si le risque d'hyperplasie congénitale des surrénales concerne surtout les premières semaines de vie, période où très peu d'adoptions sont réalisées, le dépistage de l'hypothyroïdie, quant à lui, ne doit pas être oublié. Un certain nombre d'enfants sont adoptés avant l'âge d'un an, un moment ou le diagnostic clinique de cette maladie n’est pas toujours évident. Ce dépistage est systématique en France, depuis 1979, les enfants qui arrivent dans notre pays après leur naissance ne doivent pas être oubliés. Il faut effectuer un bilan thyroïdien ou a minima un dosage de la TSH, chez les plus jeunes d’entre eux, et pour les enfants plus âgés en cas de signes cliniques évocateurs.

Problèmes plus fréquemment rencontrés chez les enfants adoptés que dans la population générale
Hyper TSH
Le dépistage systématique réalisé chez les enfants adoptés avant l'âge d'un an, s'il ne permet de dépister qu'un petit nombre d'hypothyroïdies congénitales, révèle parfois un taux de TSH modérement élevé, sans anomalie du dosage des hormones thyroïdiennes. Ceci survient chez des enfants dénutris, et s'explique probablement par une carence iodée. Il est réversible en quelques semaines.
Obésités
Presque tous les enfants adoptés à l'étranger présentent à leur arrivée en France une dénutrition importante, quantitative ou qualitative. Du fait de ces carences, les enfants adoptés ont de gros besoins alimentaires. Cette hyperphagie nécessaire se corrige la plupart du temps en quelques mois. Il est utile de la respecter, les enfants ayant souffert de la faim, ont besoin de ce rattrapage. Le plus souvent, ils réguleront d’eux mêmes leurs besoins, mais le risque d’obésité existe. Ce sont plus que les erreurs qualitatives que les excès quantitatifs, qui sont responsables de ce risque. Il est donc important pendant cette phase de renutrition, de diversifier l'alimentation en privilégiant une alimentation saine et en évitant au maximum les aliments « néfastes » (excès de sucres rapides ou de lipides).

Croissance et puberté
Beaucoup d'enfants adoptés à l'étranger présentent, à leur arrivée, une taille relativement petite par rapport à nos courbes de référence françaises. Les causes en sont multiples, la principale est la dénutrition. Mais elle peut être associée à une privation affective, voire dans certains pays un alcoolisme foetal, et parfois à des facteurs ethniques.
Du fait de tous les changements vécus par ces enfants avant et au moment de leur adoption, il est, une fois encore, indispensable de leur laisser du temps, et de ne pas se lancer dans de trop lourdes explorations, qui pourraient être traumatisantes, peu de temps après leur arrivée. Cependant une surveillance scrupuleuse de la croissance s'impose. Celle-ci doit s'effectuer grâce à des mesures fréquentes et à l'utilisation de nos courbes de référence françaises. Les courbes staturo-pondérales des pays d'origine sont rarement disponibles et pas toujours fiables. Le critère primordial de surveillance est d'ailleurs plus le côté dynamique de la courbe que l'aspect statique d'une taille un moment donné.
En dehors de quelques pathologies, plus spécifiques à certains enfants adoptés (séquelles d’alcoolisme foetal, parasitose digestive importante), ou non (déficit en de croissance, syndrome de Turner), la majorité des enfants vont grandir rapidement après leur arrivée. C'est d'ailleurs cette accélération qui doit imposer une vigilance. Elle a plusieurs étiologies :
- Le plus fréquemment, cette croissance rapide sera la conséquence du rattrapage nutritionnel, celui-ci s'effectuant en plusieurs mois ou plusieurs années.
- La cause qu’il convient d'éliminer rapidement est la puberté précoce, du fait de ses conséquences néfastes. Ce diagnostic quand il touche les enfants adoptés est souvent très sujet à polémiques. D'aucuns ont nié sa réalité, tandis que d'autres s'interrogent sur son étiologie. La fréquence de ces pathologies pour certaines catégories d'enfants est telle (environ un quart des petites filles adoptées après l'âge de quatre ans) qu'il serait dangereux de la méconnaître. D'autant plus que sa rapidité d'évolution et l'accélération de maturation osseuse qu'elle entraîne peuvent avoir de graves conséquences sur la taille finale. Diverses étiologies ont été proposées : toxiques, alimentaires, ethniques, sans avoir à ce jour de consensus. Il semble cependant qu'il s'agisse essentiellement d'une conséquence de la dénutrition et d'un emballement du rattrapage staturo-pondéral.
- Le nanisme psychosocial, pathologie bien connue des pédiatres n’est cependant pas toujours facile à objectiver. Le diagnostic est parfois fait secondairement quand l'enfant ayant appris le français décrit les sévices subis avant son adoption.
- La puberté avancée : un certain nombre de petites filles, quel que soit l'age de leur adoption, peuvent aussi présenter des pubertés qui sans être véritablement pathologique, sans avoir des conséquences de taille finale, débuteront tout de même trop tôt, et pourront avoir des conséquences psychologiques. Il n'est pas toujours facile d'être différente de ses petits camarades, par son histoire, par ses différences ethniques, l'apparition trop rapide de caractères sexuels secondaires pourra être un facteur de stress surajouté. L'étiologie est probablement ethnique, dans la plupart des pays du tiers-monde, les petites filles ont tendance à débuter leur puberté plus tardivement qu'en Europe, ceci sans doute du fait de dénutritions endémiques. Mais, il a été démontré (particulièrement en Inde) qu'avec une alimentation suffisante la puberté survenait plus tôt que chez les petites européennes.
- Enfin, il peut aussi s'agir d'erreurs d'âge. Celles-ci sont possibles de manière involontaire dans des pays où l'État-civil et quasi inexistant ou volontaire, en rajeunissant artificiellement un enfant, afin de faciliter son adoption. Ce diagnostic appelle une grande expérience, et doit rester un diagnostic d'élimination.
Qu'il s'agisse d'un simple rattrapage nutritionnel, de nanisme psychosocial, de pubertés avancées, ou d’erreurs d'âge, dans tous ces cas la croissance et la maturation osseuse seront rapides mais d'évolution parallèle. Seule la puberté précoce des petites filles adoptées montrera une progression de l'âge osseux plus rapide que la croissance. Cette particularité fait son danger, mais permet aussi son diagnostic. Il est donc essentiel, en particulier pour les sujets à risque : petites filles adoptées après l'âge de quatre ans, de faire réaliser au plus tôt après son arrivée en France une radiographie d’âge osseux, qui pourra servir de référence, mais aussi de surveiller scrupuleusement l'évolution de la croissance et l’éventuelle apparition caractères sexuels secondaires.

Conclusion
L’adoption est une période de grands bouleversements, dans une jeune existence, déjà très instable. Si certains examens, comme la recherche d’intoxication, de pathologies infectieuses, mais aussi la prévention d’une puberté précoce, doivent être faits dès l’arrivée en France, il est indispensable de laisser du temps à l’enfant pour s’adapter, et ne pas le traumatiser par des investigations lourdes et trop précipitées.
Une fois encore, les enfants adoptés nous montrent leur grande diversité, alors qu'il serait tentant de généraliser tous leurs problèmes. Plus encore que nos autres petits patients, ils ont besoin de soins attentifs, de surveillance bienveillante et d'expériences approfondies.


La bibliographie de cet article est disponible en contactant les auteurs

7 commentaires:

Moushette a dit…

Hello Mister JVM, voilà un article comme je les aime, car je me posais bien des questions sur ma fille à ce sujet là.

Donc si je comprends bien, si on a une fille adoptée (en plus indienne !), les probabilités de puberté précoces, meme pr des adoptions de bébé (moins de 2 ans) sont nettement supérieures que pr une petite française "de base" ?

Que me conseilleriez vous (enfin pour ma fille hein ;-) )? radios du poignet, si oui à partir de quel age ? un "simple" pédiatre non coca suffit il pr ce genre de suivi tant que la puberté n'est pas apparue ?

Stéphane a dit…

Idem, je me posais aussi la question mais pour mon fils (bientôt 6 ans) qui à souffert de problème de malnutrition due à une mauvaise assimilation des féculents (la nourriture principale dans la crèche haïtienne).

Pour le moment, ils poussent bien tout les deux, seul mon fils est légèrement en dessous de la courbe de croissance, mais la rattrape petit à petit, ma fille elle est OK, pas de trouble particulier (sauf qu'elle continue à faire des crises de fou rire la nuit, mais moins).

Comme la plus proche coca est à 2h30 de route, un simple pédiatre non coca suffit ?d'autant plus qu'ils semblent avoir un niveau bien élevé pour des non coca.

Alors radio du poignet, si oui, à partir de quel age ???

Unknown a dit…

Bonjour docteur,

En cour d'adoption d'une petite grande fille en Inde, je suis également intéressée par vos réponses aux questions de Moushette et Stéphane.MERCI

kty a dit…

bonjour,
j'aouterai que cette problématique de croissance est très méconnue des médecins traitants.....et que parfois lorsqu'on s'inquiète, il vous regarde un peu comme des parents angoissés. J'en sais qq chose puisque ma fille (Haiti)arrivée à 3 ans 1/2 âge déclaré civilement (??) et ayant bénéficié d'une visite COCCA à son arrivée (pas de remarque/son âge, dénutition , taille à -1SD) a eu une accélération de croissance particulièrement 1 an 1/2 après son arrivée qui a fait douté de son âge.(+2SD)...2 mois après une visite à la COCA de Pau rassurante , cette petite fille de 6 ans et 3 mois se plaint d'une hypersensibilité des seins qui n'a pas inquiété mon médecin, mais m'a poussé à reconsulté la COCCA...une exploration est débutée .....ce qui est très perturbant est d'avoir une petite fille encore petite dans sa tête qui a un corps d'un enfant de 8-9 ans.
Et pourtant, j'ai des repères (fiables?? j'en sais rien )dans le temps car je l'ai rencontré à 19 mois, 24 mois et 3O mois...et Je pense qu'elle a entre 6 ans 3 mois et 6 ans 9 mois comme le montre son comportement avec ses copines.
Ce témoignage est juste là pour montrer les difficultés de telle situation.

Romi a dit…

Merci pour cet article intéressant et surtout instructif.

Notre fille est concernée.
à 9 1/2 ans, je pense qu'elle n'aura pas besoin du traitement, mais elle est suivi depuis presque 1 an. à moins qu'en CM2, son endocrinologue décide du contraire. H a un an de plus que ses camarades de classe, les dépasse pour certaines d'une tête !

nous étions au courant de ce risque et nous avons été vigilants sur son développement physique. Ma fille avait 4 ans quand elle est arrivée au sein de notre famille.

Elle pousse comme une belle plante, se plaint parfois de sa poitrine naissante, car celle-ci est douloureuse.

Michèle

Anonyme a dit…

Docteur, bonjour
Ces problèmes de dénutrition et de retard de croissance nécessitent très fréquemment le recours aux hormones de croissance….vaste sujet qui a encore défrayé la chronique très récemment !
Pourriez vous lors d'un prochain message traiter ce sujet et nous donner votre sentiment (qui nous paraît toujours objectif et mesuré) concernant l'usage de ces traitements.
Notre fille le reçoit depuis presque 2 ans, il semble efficace.
Nous avions arrêter les injections suite au communiqué qui avait été fait début décembre 2010 (détection d'une surmortalité sur des enfants traités aux hormones de synthèse). Après avoir longtemps hésiter, nous avons finalement repris les injections, sans avoir la certitude qu'on ne "l'empoisonne" pas.....
Ces traitements sont honéreux et source de profit important pour les laboratoires, comme pour les médicaments qui ont été remis en cause récemment.
Merci par avance de nous apporter votre éclairage sur ce sujet et bravo pour votre blog que nous consultons quotidiennement.
Patrick, Sylvie et Emilia notre petite poupée Colombienne !

Romi a dit…

j'ai appris aujourd'hui que ma fille allait être sous traitement.

y a plus qu'à !!

Michèle