mardi 8 novembre 2011

Vaccin contre le papilloma virus

Si vous vous posez des questions sur le vaccin contre le papilloma virus (en France ils s'appellent Gardasil et Cervarix), je vous engage à regarder ce petit film réalisé par le gouvernement québécois et que je fais tout à fait mien !


C'est un peu hors sujet par rapport à l'adoption, mais des parents me posent souvent la question en consultation.

lundi 7 novembre 2011

Si tu ne viens pas à Lagardère, c'est Lagardère qui viendra à toi !

Je vous ai déjà dit que j'étais nul en anglais, malgré pas mal d'efforts, je le lis assez bien, je l'écris mal et je l'entends encore plus mal (sauf quand c'est un italien qui parle.... ou Bill Clinton, qui avait une élocution formidable). Je suis nul c'est comme ça, ça ne veut pas entrer, j'ai un accent nullissime, alors que j'ai un bon accent naturel pour les langues latines, et cela me manque pour être parfois larguer dans mes voyages outre atlantique, et pour écrire mes articles....
Aussi, je viens de ressentir une grande bouffée de fierté, je viens à l'instant d'être contacté par la responsable de la section français d'une grande université américaine (réputée dans l'apprentissage des langues).... suspens.... suspens.... pour leur nouvelle méthode, ils ont choisi un de mes textes... écrit il y a 10 ans..... et me proposaient rémunération contre son inclusion dans cette méthode (j'ai négocié une relecture de mes textes plutôt que des soussous).

Et je fais mienne, en la transformant à peine, la devise du héros de Paul Féval : Si tu ne vas pas aux anglophones, c'est l'anglophone qui viendra à toi !

De savoir que des américains pour apprendre le français vont lire du Molière, du Hugo, du Le Clézio.... et du Monléon... je vous semble sans doute (et je m'en excuse) midinette ridicule ou bouffon bouffi de son importance, mais ça me bouleverse.


A propos quel est ce texte ?

Le voici :


En « découvrant » la Polynésie, douze siècles après les Maoris, les Européens ont vite été frappés par l’importance des transferts d’enfants dans cette société. Il est amusant de regarder, comment, depuis deux siècles que ces archipels sont connus, ces adoptions sont décrites par les écrivains-voyageurs.
L’évocation du phénomène témoigne principalement de leur propre sensibilité envers le peuple polynésien. Pierre Loti (dans le mariage de Loti) raconte le déchirement de son héroïne, qui doit quitter sa mère et son île natale de Bora-Bora pour aller vivre à Tahiti chez de lointains parents âgés : « La mère de Rarahu l’avait amenée à Tahiti, la grande île, l’île de la reine, pour l’offrir à une très vieille femme du district d’Apiré qui était sa parente éloignée. Elle obéissait ainsi à un usage ancien de la race maorie, qui veut que les enfants restent rarement auprès de leur vraie mère. Les mères adoptives, les pères adoptifs sont là-bas les plus nombreux, et la famille s’y recrute au hasard. Cet échange traditionnel des enfants est l’une des originalités des mœurs polynésiennes ». Cet auteur, pourtant présenté comme un chantre de la Polynésie n’a fait que l’effleurer, sans vraiment chercher à la comprendre. Les stratégies de dons, les traditions compliquées réglant les adoptions ne sont pour lui qu’une loterie.
Quelques décennies plus tard Alain Gerbault (dans Iles de beauté) décrit l’adoption polynésienne comme une nouvelle preuve de la supériorité de ce peuple qu’il situe au dessus de tout autre. « C’était une grande case dans le district de Ti’ipoto où habitaient Ta’aroa et sa femme avec de magnifiques enfants grands et forts, pleins de santé, tous avec de belles dents blanches que l’on ne voit plus beaucoup de nos jours à Bora-Bora. Les uns étaient peut-être des enfants adoptifs, d’autres des neveux considérés également comme des fils ; mais il est long et compliqué de vouloir rechercher les auteurs des jours en Polynésie. » Pour lui, l’adoption montre l’humanité des polynésiens entre eux, puisqu’ils donnent des enfants à ceux qui n’en ont pas. Il montre aussi, un grand amour pour les enfants puisqu’ils n’hésitent pas à s’en séparer, afin de leur promettre un meilleur avenir. Mais il ne comprend pas tout à fait, ou ne cherche pas à comprendre les raisons.
Paul Huguenin est pendant plusieurs années, à la fin du XIXème siècle, directeur d’une école aux îles sous-le-vent. Comme d’autres, il tombe amoureux des lieux et décrit avec passion tout ce qu’il voit. Son livre (Raiatea la sacrée) fourmille de renseignements sur la société polynésienne. L’adoption ne lui échappe pas : « On préfère souvent les enfants adoptés - On le lui abandonne volontiers...pour adopter soi-même un autre enfant ». Cela est dit sans jugement, par simple désir de description.

Il en va de même pour Robert Pomel, qui passe - lui aussi - plusieurs années en Polynésie dans les années 1950, et raconte ses impressions dans un récit autobiographique (Hiro des Tuamotu) : « Elle n’est certainement pas malheureuse comme le sont fréquemment les enfants adoptés en Europe ; ici, ils sont parfois plus choyés que les rejetons naturels ».

A l’opposé, le summum de la caricature est atteint, dans un récit datant de 1936, par Louis-Charles Royer. Son livre (Femmes tahitiennes) aurait pu s’appeler « le séjour d’un beauf à Tahiti », comme quoi, même les ringards ont leur chance en littérature. Son avis ne dépasse pas le niveau de la plus basse des pâquerettes, y compris pour l’adoption : « Après Loti ... je répète que les parents se repassent leurs enfants avec une facilité surprenante. Des mères dénaturées, dira-t-on, et qui abandonnent leur enfant, il y en a hélas ! aussi chez nous. Possible, mais, à Tahiti, on juge cet abandon tout à fait normal, naturel. D’autant que les gosses trouvent preneurs sans que l’Assistance publique s’en mêle... ». Ce dernier exemple est sidérant, et j’ai souvent entendu des Français parler de l’adoption en Polynésie un peu de cette manière. A leur décharge, contrairement à Monsieur Royer, ils ne sont pas allés sur place.

Mais cette impression est celle de ceux qui jugent les autres sociétés par le petit bout de notre lorgnette d’occidentaux, sûrs de notre supériorité en toutes choses, puisque nous dominons le Monde économiquement. Comprendre ce qui se passe aux antipodes, permet sans doute de mieux comprendre ce qui se passe chez nous. Les polynésiens ont une plus grande expérience que nous pour l’adoption, puisque, comme le dit Paul Ottino (l’ethnologue qui a le mieux étudié les structures familiales polynésiennes) : « ... sa survenue constitue la norme et c’est son absence qui requiert une explication. »

­Une tradition très ancienne

L’adoption est très ancienne en Polynésie, de vielles légendes évoquent des adoptions entre dieux. L’adoption et l’échange d’enfants étaient aussi un bon moyen de sceller la paix entre deux souverains. Alors qu’en Europe à l’issue d’une guerre entre la France et l’Espagne, le dauphin épousait une infante, en Polynésie la trêve après un conflit entre Raiatea et Bora-Bora se concluait par un échange d’enfants entre les souverains. Lesquels enfants ne devenaient pas des otages mais étaient élevés comme leurs frères et sœurs adoptifs.

A l’heure actuelle, de nombreuses « petites » histoires sur l’adoption circulent encore. Comme celle de ces deux mères partageant la même chambre à la maternité, l’une venant d’avoir son troisième fils, alors que l’autre vient d’accoucher de sa quatrième fille, et qui échangent ces derniers nés, sans autre forme de procès. Même si de telles histoires n’existent sans doute plus, car l’état civil français veille, elles sont tout de même significatives de l’état d’esprit qui règne à propos de la filiation, avec une nette prépondérance du social sur le biologique, c’est-à-dire du lien d’amour sur les liens du sang. Pourtant, il s’agit d’une société qui a porté l’étude des générations au firmament, il est nécessaire de connaître sa généalogie, non seulement pour prouver son ascendance, mais pour ne pas effectuer un mariage consanguin. Toute union est tabou si les époux sont apparentés au septième rang (c’est-à-dire s’ils ont un arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père commun). L’étude de la langue tahitienne, permet de comprendre les structures familiales. Le même terme (metua tane) est utilisé pour désigner son père, mais aussi les frères de celui-ci ou encore les cousins du père. Par contre, il existe des termes précis pour désigner les parents biologiques : « fanau » (littéralement : donner la vie), et les parents adoptifs : « fa’a’amu » (littéralement : donner à manger)

Pourquoi donne-t-on les enfants en Polynésie?

Les raisons de donner des enfants en adoption sont très diverses. Ma première enquête en Polynésie m’a permis d’en identifier quatre principales :

Coopération familiale
La famille polynésienne traditionnelle reste une famille élargie et solidaire. Un couple ayant déjà plusieurs enfants accepte parfois de donner son dernier-né à un proche ou un parent qui ne peut en avoir. Cela surprend déjà quand il s’agit d’un parent proche, et plus encore quand, émue par la stérilité d’un couple métropolitain (qu’elle connait finalement bien mal), une famille polynésienne accepte de faire ce geste. Cela témoigne d’une solidarité étendue qui n’existe plus en Europe depuis bien longtemps.

Raison conjugale
Ce phénomène est relativement récent en Polynésie, et reste marginal. Il arrive assez souvent que des jeunes femmes deviennent mères très tôt, avant d’avoir une liaison conjugale stable. Dans la majorité des cas, lorsqu’elles créent un nouveau foyer, leur premier enfant est accepté par leur compagnon. Mais dans le cas contraire, il sera alors confié à des proches. Il s’agit souvent de couples aux mentalités « occidentalisés ».

Raison professionnelle
Autre cause d’apparition récente : plus que d’une véritable adoption c’est plutôt un gardiennage prolongé. C’est la première raison de circulation d’enfants dans la Polynésie française actuelle. Si les activités traditionnelles (agriculture, artisanat, petit commerce) permettaient à la mère de garder son enfant auprès d’elle, il n’en est pas de même des nombreuses activités « modernes ». Les jeunes Polynésiennes sont de plus en plus souvent attirées par des professions plus lucratives, qui leur semblent plus valorisantes : emploi dans des fermes perlières ou des hôtels de tourisme par exemple. C’est aussi le cas de jeunes mères désireuses de poursuivre leurs études et qui se retrouvent souvent en internat.
Ces adoptions provisoires se déroulent à l’intérieur de cercles restreints, puisque les enfants sont confiés le plus souvent à des proches (grands-parents, oncles et tantes). L’adoption est même parfois imposée d’autorité par des grands-parents dirigistes. Presque toujours, l’enfant retournera auprès de ses parents biologiques quand les soins qu’il nécessite seront compatibles avec leur profession.

Une alternative à la planification familiale
C’est ce mode de transfert d’enfants qui est le plus connu, tout au moins en métropole, puisque c’est par ce moyen que de nombreux couples métropolitains ont pu fonder une famille.
Il peut paraître surprenant d’utiliser ce terme occidental et moderne de « planification familiale », pour un phénomène qui semble être à l’opposé des buts de ces centres du même nom. Ceux-ci sont théoriquement faits pour permettre une régularisation des naissances, or en Polynésie, il semble que ce soit la prolifération des naissances qui soit réglée par la tradition.

Il ne faut pourtant pas penser qu’il est facile pour les parents de séparer de leur enfant. Tout déchirement est sans doute difficile. Mais pour beaucoup, c’est une meilleure alternative que la contraception. Car, en plus de l’ancienneté des transferts d’enfants en Polynésie, le poids de la religion est très important en Polynésie française. Les principales religions (protestante, catholique, mormon, etc.) ont toutes un avis défavorable sur toutes les formes de contraception. Il en résulte une quasi interdiction de l’interruption volontaire de grossesse tandis que les autres méthodes contraceptives sont marginalisées. Pourtant quand on interroge les Polynésiennes, celles-ci ne montrent pas d’a priori aussi nets envers la planification des naissances. Si l’avortement semble banni, les différents moyens de contraception semblent acceptables pour beaucoup de femmes polynésiennes, acceptables mais non appliqués.

Le résultat est qu’en cours de grossesse, les parents qui constatent qu’ils n’auront pas les moyens (financiers essentiellement) d’élever leur enfant, cherchent un autre couple à qui le confier. Traditionnellement, il s’agissait surtout de proches ; depuis une vingtaine d’années, il s’agit plutôt de couples métropolitains. C’est un petit peu ce que j’ai voulu raconter dans « Les deux Mamans de Petirou ». En choisissant de « donner » cet enfant, les parents biologiques ne vont pas l’abandonner complètement, mais décider de créer des liens avec une autre famille. Si de nombreux couples de métropole comprennent plus ou moins cela, beaucoup n’ont qu’une idée vague de la mentalité polynésienne et du sens de la famille en Polynésie. Cela peut se traduire par une incompréhension entre les deux familles. Et, plus grave encore, par des troubles relationnels entre parents et enfants adoptifs. Comment expliquer à un enfant sa filiation, si on l’a soi-même mal comprise ?

Respecter leur enfant
Il ne faut pas aller en Polynésie en héros potentiel, sauveur d’un enfant du Tiers Monde, mais avec beaucoup d’humilité et de respect pour le geste des parents biologiques. Ce n’est plus l’anthropologue qui parle dans cette conclusion, mais le pédiatre de la Consultation d’Adoption Outre-mer. J’ai pu souvent constater que lorsqu’il existe un certain malaise, une difficulté à trouver ses repères chez les adolescents ou préadolescents adoptés en Polynésie, les liens avec leur famille et leur région d’origines avaient été coupés.

Une des grandes chances de l’adoption polynésienne est la rencontre entre les familles biologiques et adoptives, il faut tout faire pour la maintenir ; même si les parents adoptifs ne souhaitent pas respecter la famille de naissance, ils ont le devoir de respecter leur enfant.