J'ai toujours orienté ma manière de vivre mon activité de pédiatre, et plus encore celle de pédiatre spécialiste de l'adoption, mais aussi mon éthique, en mettant toujours l'enfant au centre de mes préoccupations.
Cela ne m'a pas fait que des amis, valu que des compliments (sic) mais je n'en dérogerai pas !
J'ai toujours pensé en priorité aux enfants, et par exemple, je suis toujours bien bien embarrassé quand je vois un couple qui (à mon avis) n'aurait jamais dû adopter.... fort heureusement, ces situations sont rares, et moins de 5% des familles rencontrées dans ma consultation sont, pour moi ,véritablement à risques majeurs.... ce qui est finalement bien faiblard si on le compare aux familles bios qui présentent les mêmes "capacités".
Vos témoignages (direct ou sur ce blog) me rapportent cependant que je suis considéré comme quelqu'un d'accueillant, de solidaire vis à vis des familles, des parents.
Il est vrai que je n'ai jamais considéré (c'est le tort de certains pédiatres) les parents (et tout particulièrement la mère) comme l'ennemi, l'obstacle qui empêche de bien s'occuper de l'enfant.
Il est vrai que je suis passé, tout comme un grand nombre d'entre vous, par le cruel manque d'enfant, par l'inquiétude de ne pas devenir père un jour, et cela me donne une certaine solidarité .... mais aussi une plus grande sévérité par rapport à ceux qui se laissent aveugler par ce manque pour faire n'importe quoi.
Mais, quand je combats pour le rapatriement des "enfants du séisme", quand je combats pour que les enfants puissent avoir la "considération" d'une adoption plénière, quand je regrette que les chiffres de l'adoption s'effondre, au risque de vous décevoir, c'est avant tout aux enfants que je pense.
Pour preuve, j'ai toujours combattu l'enfant à tout prix, qu'il soit adopté, qu'il soit "fabriqué"... et très souvent en consultation pré-adoption, ou en conférence, j'insiste sur l'importance de pouvoir dire NON, quand dans certaines régions "moins sécurisées" (le bel euphémisme) on nous explique des choses pas très "claires" sur le magnifique enfant que l'on tient dans ses bras.
Mais, je dois vous avouer que si l'enfant est au centre de mes pensées, je ne crache pas sur les "avantages collatéraux". Je me suis quand même réellement senti très solidaire de ceux que j'ai appelé très très affectueusement (si je n'avais pas eu d'affection pour eux, je les auraient baptisés les connards- sic) les "couillons" : les "parents du séisme", qui en plus du stress, vivaient le mépris.
Mais là pour une fois, j'ai envie de dire à certains toute mon empathie (c'est le terme qui correspond le mieux à mon avis) à certains adultes : ceux qui vont rester au bord de la route.
Ce billet est en réaction à un message anonyme sur mon annonce pour ma prochaine conférence versaillaise.
C'est délicat pour le père de famille nombreuse que je suis de conseiller, de dire : "oh ben finalement vous avez bien fait de vous arrêter", "tout le monde ne peut pas y arriver", "au moins vous n'avez pas fait n'importe quoi", voir les "finalement ça vous fera moins de soucis".... le plus irritant étant à mon avis les petites phrases qui tuent de ceux qui n'ont eu aucun souci pour fabriquer leurs progéniture sous la couette, mais qui n'hésitent pas une seconde avant de se mettre à votre (notre) place : "moi aussi, j'aurai bien voulu adopter... mais finalement ça c'est pas fait" ou "oui mais vous savez quand on ne peut pas en avoir, faut passer à autre chose... regardez N (tel personnage historique) c'est sans doute parce qu'il n' a pas pu avoir d'enfants qu'il a fait ces si belles choses".....quand on a des enfants, ça m'énerve déjà bien, mais quand on en n'a pas... j'ose imaginer.... passons...
Je ne vous dirai donc rien, chers gens du bout de la route, juste je le répète, le témoignage de mon empathie, au sens propre du terme : ma compréhension de vos sentiments. Car quand les douleurs sont grandes, parfois ce qu'on préfère, c'est ceux qui ferment leur gueule, mais montrent qu'il sont là et posent une main sur une épaule affaissée.
Je me dis juste que 7000 à 9000 agréments par an, pour un peu plus de 2000 adoptions par an... ça fait du monde qu'on laisse au bord de la route.... et il faut qu'on y pense, nous les "pros qui gravitent autour de l'adoption" : Conseils Généraux bien sûr, mais les Associations de parents, les médecins, etc...