Voici la deuxième conférence que j'ai faite lors du gros congrès de pédiatrie à Marseille.
Cette conférence avait lieu dans le cadre d'une table ronde sur l'adoption que j'ai eu l'honneur d'organiser et de co-présider.
Les autres intervenants étaient Aubeline Vinay, une fois encore parfaite pour parler de l'adolescence des adoptés, et s'éloigner des commentaires imbéciles du billet précédent... et la vice-Présidente de RAcines Coréennes qui aura droit a un billet spécial.
Tout comme le précédent, cet article est paru dans les Archives de Pédiatrie (revue référencée dans la littérature scientifique mondiale), toute citation de cet article doit donc reprendre son titre, ses auteurs et la référence au journal, merci.
Les raisons de l’abandon et de l’adoption.
Etude prospective portant sur 800 cas.
JV de Monléon, J Pierron, F Huet, Pédiatrie 1, Hôpital d’Enfants, CHU de Dijon,10 Bd Maréchal de Lattre de Tassigny, 21000 Dijon, France.
jvm@chu-dijon.fr
Les enfants adoptés sont trop souvent réunis sous de mêmes étiquettes, que l’on parle d’« orphelins », d’enfants « abandonnés », ou de « ces pays là… », pour désigner les pays d’origine, tout cela cache la diversité du phénomène adoption. Le but de cette étude est de mieux appréhender les données socio-familiales de l’adoption internationale en France.
Matériel et Méthodes
Cette étude a été réalisée à partir des dossiers de 800 enfants vus dans le cadre de la Consultation d’Adoption Outremer du CHU de Dijon, de juin 1999 à janvier 2006. Ces 800 enfants proviennent de 614 familles : 530 couples et 84 mères célibataires, sans aucun couple homoparental déclaré ni adoption par des pères célibataires.
Le recueil des données a été effectué à partir de feuilles de calcul Excel®, en attribuant un numéro d’anonymat à chacun des 800 enfants. Le test exact de Fisher et le test Khi-2 ont été utilisés.
Résultats
La séparation.
Les enfants sont originaires des cinq continents : 34% d’Amérique latine, 24% d’Afrique, 23% d’Asie, 14% d’Europe et 5% d‘Océanie. Dix pays d’origine, représentent 72 % de l’effectif des enfants soit dans l’ordre décroissant de taille des effectifs : la Colombie, Haïti, le Vietnam, Madagascar, l’Ethiopie, la Chine, le Guatemala, la Polynésie, la Roumanie et la Russie.
Le sex-ratio est en faveur des filles (58%), ceci dans tous les continents. La différence la plus marquée est retrouvée en Asie (70%), due essentiellement à la Chine (100% de filles). La Thaïlande (société matriarcale), est un des rares pays où les garçons adoptés sont majoritaires (58%).
Les raisons qui ont poussé la famille biologique à se séparer des enfants ont été particulièrement étudiées. Elles sont très variables selon le pays d’origine, et les circonstances propres à chaque famille. Toute séparation n’est pas un abandon et tous les enfants ne peuvent être appelés orphelins.
Nous avons différenciée, neuf causes différentes :
1- La raison socio-économique est la plus fréquente (37,6%), première ou deuxième cause de séparation selon le continent d’origine, elle est retrouvée dans tous les pays d’origine. Le manque de moyens financiers pour subvenir aux besoins de l’enfant, entraîne la séparation. Cette cause est souvent corrélée à des difficultés socio-familiales (un des parents a quitté le foyer familial, rendant la situation précaire)
2- La raison socio-familiale (8,9%), est évoquée lorsque le poids social indépendamment des difficultés économiques amène au rejet et à la séparation de l’enfant de son foyer biologique. Il peut s’agir d’enfant né hors mariage, de rejet ou de problèmes de santé des parents. Elle est majoritaire en Corée du sud et représente 23% des cas au Vietnam.
3- Le décès parental, les orphelins proprement dits, représente 10 % des causes de séparation. Mais cette proportion est souvent surévaluée, et le statut annoncé d’orphelin est parfois une facilitation administrative pour permettre l’adoption internationale. C’est notamment le cas en Ethiopie (75% dans ce pays).
4- Santé de l’enfant (1,8%), c’est lorsque l’enfant est porteur d’une pathologie difficile à prendre en charge dans son pays de naissance, en raison des infrastructures sanitaires ou des coûts des soins.
5- La carence de soins représente 13,6 %, elle est à la première place en Colombie, en Russie et au Brésil, et la deuxième en Ukraine. Elle correspond à une décision judicaire et nécessite des services sociaux développés et soucieux d’éviter des maltraitances physiques ou sociales.
6- L’abandon sécurisé (7,2 %), c’est lorsque les raisons exactes sont inconnues, mais que l’enfant peut être d’emblée pris en charge par des tiers (équivalent d’accouchement sous X, enfant amené à l’orphelinat, etc…)
7- Pour l’abandon Passif (13,5 %), à l’opposé, les conditions de séparation ne permettent pas d’emblée à l’enfant d’être pris en charge par des tiers (enfant trouvé dans la rue par exemple). Beaucoup plus élevé chez les filles (17% vs 9) c’est la seule raison, pour laquelle la différence entre les sexes est significative. La cause en est particulièrement de la Chine, où dans notre série, il s'agit pour 96 % des cas de petites filles trouvées dans la rue.
8- L’étiologie culturelle ne représente que 2,5%, mais 22% à Madagascar, dans certaines ethnies de ce pays la gémellité est censée portée malheur. C'est dans cette catégorie aussi feront que rentre le don d'enfants.
9- Raison Inconnue (4,9 %) C'est fréquemment le cas pour deux pays le Cambodge et le Mali ou malgré questionnement des familles adoptives aucune information n'est fournie.
L’adoption
Quatre raisons motivant l’adoption sont identifiées :
1- La stérilité représente presque trois quarts des raisons de l’adoption (74%), il s'agit dans ce cas de couples mariés ou non, désireux d'avoir des enfants mais n’y parvenant pas. Les démarches d'adoption sont le plus souvent précédées de parcours d'aide médicale à la procréation. Pour mémoire, avec la législation française, ne peut adopter de manière concomitante qu'un couple marié. Les couples concubins ou pacsés ne peuvent adopter que si l'un d’eux pouvant entreprend une démarche en célibataire. En ce cas, ces familles ont tout de même été classées dans la catégorie « stérilité ».
2- Assez proche des raisons de la stérilité, le risque congénital représente 3% des motivations des familles adoptives. Il s'agit de couples se sachant porteur de risques congénitaux ou dont une première grossesse a eu des conséquences graves, contre-indiquant une nouvelle filiation biologique
3- Le célibat, avec 12%, cette cause est en augmentation. Il s'agit essentiellement de célibat féminin (100 % dans notre série). Certaines associations de mères adoptives célibataires revendiquent d'ailleurs la raison « célibat » comme une forme d'infécondité, et ne souhaitent plus trop être différenciées.
4- L’adoption sans troubles de la fécondité représente 11 % des adoptions. Elle est parfois appelée adoption « humanitaire ». Mais, fort heureusement, elle correspond le plus souvent un désir d'agrandir sa famille plus qu'à la motivation de « sauver une vie ».
Les mères adoptives de notre étude sont âgées en moyenne de 38 ans et 11 mois à l’arrivée de l’enfant, qu'il s'agisse d'une première adoption ou non. Cet âge est un peu élevée pour les mères célibataires (41 ans 11 mois contre 38 ans 6 mois). Les pères adoptifs sont âgés de 40 ans en moyenne.
L'étude des Catégories Socio-Professionnelles des 614 familles de notre étude, montre que l’adoption internationale apparaît comme un privilège des classes favorisées. Les classes « supérieures » étant même encore plus représentées chez les mères vivant seules que chez les couples. Soixante-dix pour cent des chefs de familles adoptifs sont cadres, professions supérieures ou professions intermédiaires, alors que les employés ne représentent que 12% et les ouvriers 6%.
Nous avons pu parfois constater les différents significatifs en étudiant la raison d’adoption en fonction de la CSP des parents adoptifs. Sur l’ensemble des chefs de famille adoptifs, nous avons trouvé 26% de raison « humanitaire » chez les agriculteurs. Cette importante proportion est peut-être liée à l’ancienneté historique du placement et de l’accueil des enfants dans le monde rural, qui avait cours plus particulièrement au XIX e siècle en France. Alors que dans certains cas, l’adoption n’est réalisée que lorsqu’elle est obligatoire. La stérilité représente 88% chez les artisans, commerçants et 92% chez les ouvriers. Ces deux catégories socio-professionnelles manquent de temps pour la première, et de moyens financiers pour la deuxième. La réalisation d'une adoption réclame tout à la fois des moyens financiers et du temps.
Conclusion
Une des grandes particularités de l'adoption est son hétérogénéité. Les raisons de la séparation d’un pays à l’autre ne sont pas superposables et ne correspondent pas uniquement à des abandons ou à des décès parentaux. Le lien du sang, si prégnant dans notre société, n’est pas toujours essentiel. D’autres sociétés dans le monde, comme en Afrique ou en Polynésie, ne le considèrent pas comme tel.
Les résultats de cette étude rendent le titre de cet article caduc, il est sans doute plus logique de parler de séparation que d'abandon. Le mot abandon porte en effet un jugement de valeur sur l'action des parents biologiques. Le mot séparation correspond mieux à cette réalité et ne nie pas les souffrances de celle-ci. L’approche socio-culturelle de l’adoption internationale et de l’enfant adopté est fondamentale dans le suivi médical : elle doit être développée et devenir un complément naturel et nécessaire à l’approche médicale déjà existante. De manière plus générale, ne perdons pas de vue qu’en médecine, et surtout en pédiatrie, le patient doit être envisagé dans sa globalité par une approche médicale mais également sociale, culturelle, environnementale : bien plus qu’aux seuls enfants adoptés, cette approche est utile pour tout enfant quelle que soit sa filiation.
La bibliographie de cet article est disponible en contactant les auteurs.
4 commentaires:
très intéressante votre conférence !
déjà, je regrettais ( fulminais serait peut-être plus juste !!! ) de ne pouvoir assister à toutes vos conférences , formations proposés chez vous , là bas , très loin de chez moi !! vous ne faites que me conforter dans cette idée !!!
juste un ti point à soulever : 100% des enfants adoptés en CHINE sont des filles !! mais non !! mon ti coeur est bien un ti bonhomme !!et sur le groupe de 7 , il y avait 1 princesse et 6 ti princes !!!
bon ok ! d'accord ! ce n'est pas ce qui va faire baisser la moyenne !!! mais quand même !!
amicalement mamie de LEO
Hommage à mon Maître Jean-Vital (ami,père,grand-père...) sur mon blog au lien suivant :
http://cultures-et-chabada.blogspot.com/2011/06/afa-maitre-jean-vital-de-monleon-hoaraa.html
Merci pour le texte de cette conference et d'accord pour substituer séparation a abandon. Petit mot de ma fille 7 ans il y a très peu de temps "pourquoi on dit abandonner maman il (son père ) ne m a pas laisse dans la forêt il m a confie a D... pour que l'on s'occupe de moi" Brigitte
Cette étude est intéressante, mais elle ne concerne pas tous les enfants abandonnés comme l'avance le titre. Ne font partie de l'étude que la population de ceux qui ont consulté notre professeur préféré ce qui biaise quand même les résultats.
A noter cet article de La Gazette de le Grande Ile
http://www.lagazette-dgi.com/index.php?option=com_content&view=article&id=12471:abandon-denfants-un-phenomene-mediatise&catid=64:newsflash&Itemid=67
qui cite une véritable étude publiée à l'université de Provence :"Dynamique de placement et dynamique d’abandon :Le cas des enfants en institution à Antananarivo, Madagascar
http://sites.univ-provence.fr/lped/IMG/pdf/DR20.pdf
Christine maman d'un prince malagazy
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