mardi 2 mars 2010
Réponse à mon Bernardo.
Héhé Bernardo, je t’ai laissé avec plaisir les clés du blog, en toute confiance et amitié, je t’ai laissé donner un coup de balai et éteindre la lumière en sortant, mais je reviens, j’ai bien trouver les clés sous le paillasson et comme tu me connais je ne me gêne pas pour rajouter une petite bafouille.
Je comprends ton embarras (j’emploie est termes plus raffinés que toi) de me voir envoyer des scuds à certains de tes amis, qui jusqu’il y a peu étaient des gens pour lesquels j’avais du respect pour ne pas dire une certaine amitié. Mais au risque de te vexer profondément en utilisant une comparaison honteuse que seuls les fans de mon deuxième blog comprendront, là tu t’es comporté en arbitre irlandais du nord arbitrant un match de coupe d’Europe entre une équipe anglaise et une équipe française ! Un joueur anglais peut sauter à pieds joints sur la tête d’un français, ce sera carton jaune parce que ce serait fait dans « l’esprit ». Alors que si un Français effleure involontairement le gros orteil d’un représentant de la perfide Albion, on peut envisager pour lui un carton rouge avec une suspension sur plusieurs générations.
Plus sérieusement, malgré le respect et l’amitié que j’ai eu pour eux, j’ai vraiment du mal à leur trouver des excuses.
D’abord parce qu’il y a eu préméditation. Depuis la mise en route du rapatriement, des rumeurs le signalait menacé, des rumeurs faisait état d’attaques, et c’est pour cela que parfois contre vents et marées, je me battais pour sa survie malgré tous les défauts qu’il pouvait avoir (multiples bras, jamais assez rapide pour les familles qui attendent, personnel- y compris ou surtout les cellules psy d’urgence- ne connaissant pas l’adoption). Qu’est ce que représentent ces défauts par rapport au sort de ceux qui sont encore là-bas, et qui sont pour moi des petits Français ? Je savais qu’on aurait des sales coups, mais je ne m’attendais pas à ce qu’ils viennent de ces deux-là, qui pour connaître de bonnes parties de l’adoption, qui pour être de bons cliniciens, n’en ont pas moins fait n’importe quoi ? Et ma question reste : pourquoi ?
Et là je n’ai pas la réponse, est-ce pour couler l’adoption individuelle, c’est un raccourci un peu hâtif, si tu penses à une guerre entre ministres, moi je n’en sais rien.
Moi j’ai peur que ce soit pour pas grand chose, pour jouer aux chevaliers blancs à tout prix, pour avoir leur mot à dire, si ce n’est que ça c’est grave ! Ils ont fait le lit de gens opposés à l’adoption. Certains ont profité de l’émoi bien réel de ce qui se passait à Orly, mais qui se passe de manière presque identique lors d’autres arrivées (cf mon billet : Merci). Eux deux n’ont peut être été que la goutte d’eau, mais très grosse goutte qui a fait déborder le vase, ils méritent plus qu’un carton rouge ! Ton carton jaune est beaucoup trop gentil à mon goût.
Je vais être très dur, mais quand on nous annoncera que certains enfants « non rapatriés » du fait de cette interruption vont décéder, je serai très malheureux, mais je me sentirai plus à l’aise, à ma place qu’à la leur.
Tu as l’air de dire qu’ils ont servi de prétexte, qu’ils ont été manipulés. Sans doute, sans doute que nous le sommes tous un peu, peut-être que comme tu l’évoques il peut y avoir des querelles bien au dessus de nous, dont nous ne sommes les pions. Je veux bien être un pion, qui va au sacrifice s’il le faut, même pour ne sauver que quelques enfants. Si nos deux amis en sont maintenant se lamenter (je n’en suis pas si sûr), de s’être fait manipuler, d’être responsables sans le vouloir de cet état de fait, je n’ai pas beaucoup de pitié pour eux.
EN ce cas ils me feraient penser à ces déçus du stalinisme qui la bouche en cœur il y a 10 ans, nous déclaraient « on ne savait pas ! ». Pour ne pas savoir que derrière le rideau de fer, c’était pas le paradis il fallait être au choix très naïf (je suis poli, je pense plutôt à un mot de 3 lettres) soit très faux-culs. Qu’ils ne me fassent pas croire qu’ils pensaient découvrir le pays des Bisounours à Orly, même avec le maximum de précautions, il semble évident que des enfants ayant vécus un tremblement de terre, des nuits dans l’angoisse sous la tente, le manque de nourriture et pour finir de nombreux bras et un long voyage en avion allaient être très bien, détendus et joyeux dés leur arrivée… et pourtant, moi qui continue à en voir en consultation presque tous les jours, je peux te dire qu’il y en a certains (et même la plupart) qui vont bien, bon il ne faut pas baisser la garde continuer à bien les soutenir et bien soutenir leurs parents, finir de traiter leur gale, leur teignes, leurs diarrhées et surtout leurs angoisses, mais après quelques jours ça ne va pas si mal.
Qu’ils ne me fassent pas croire qu’ils croient que les petits bouts que l’on a laissé en Haïti vont mieux que ceux rapatriés et qu'ils sont restés dans l’île aux enfants et que Casimir va arriver pour les nourrir de gloubi glouba et leur faire de gros câlins. Ho ho on se réveille !
Je suis bien d’accord avec toi, pour dire combien la créolitude à bon dos, ça encore c’est une grande découverte : vraiment incroyable, en arrivant les enfants adoptés ne parlent même pas LA langue, quels ingrats, mais on se demandent ce qu’ils foutent dans les orphelinats, prennent même pas un peu de temps pour leur apprendre à causer aux bamboulas ! Plus sérieusement je vais vous faire une grande révélation, avec les enfants, les miens (à la maison), et ceux que je voient lors de mes consultations ou de mon service, j'ai bien l'impression que ceux qui ont moins de deux ans, et ben ils ne parlent pas la même langue que moi, ils ne comprennent pas tout ce que je dis, mais qu’est ce qu’on peut avoir comme échanges, comme communications, bien plus qu’avec beaucoup de commentateurs d’Agoravox !
Une dernière chose sur leur témoignage, le coup de la lettre déchirée, j’ai du mal à le croire, je sais que des parents sont capables de faire cela, toi aussi tu le sais et eux aussi, c’est une de nos missions en tant que spécialistes de l’adoption de leur expliquer combien c’est dangereux. Mais j’ai du mal à imaginer un tel geste, se faire à Orly avec tous pleins de témoins autour, et quand bien même parce qu’il y a des parents adoptifs cata doit-on punir tous les autres, et leurs enfants avec ?
Dommage de profiter de l’urgence haïtienne pour parler des lacunes de l’agrément. Dans le même ordre de choses, je pense que des parents ont pu changer les habits de leurs enfants sur place, c’est maladroit, mais comment les juger là-dessus, on leur a tellement dit qu’il y avait plein de gale, de teigne, qu’ils ont pu avoir peur, ils ont parfois aussi penser qu’ils seraient plus au chaud, plus confortables avec d’autres habits…. et alors ça suffit à condamner les autres ? Et tu crois que les enfants comprendront quand on leur expliquera : « Bon ben les enfants, vous allez rester là, on est pas sûr que vous ayez de la nourriture, de l’eau un abri pour la saison des pluies ou des médocs pour les épidémies, mais vous comprenez on peut pas continuer à vous rapatrier. Là- bas il y a des parents qui ont changés les habits de vos copains, c’est insupportable, on a quand même nos priorités, faut pas déconner ! », je caricature oui, mais moins dangereusement qu’eux ne l’ont fait.
Nos deux compères, je leur en veux plus qu’à Marcel. Tu as raison sur plusieurs points : le coup des « familles dans leurs petits pavillons » c’était nul. Et c’est vrai, Marcel, ta concierge le connaît et ça c’est grave, pas pour ta concierge, mais parce qu’on lui demande son avis sur tout, et qu’il le donne. Marcel il est sa place dans les médias, il est là, il occupe le terrain, il raconte pleins de choses et quand Marcel parle, tout le monde l’écoute, tout le monde est bidonné, car il en a de l’humour, mais le souci c’est qu’il parle de tout, en long en large et parfois en travers sans toujours connaître. J’adore parler de rugby avec lui, j’adore l’écouter sur l’anorexie mentale, il est très bon sur ce sujet, et là ses méthodes en ont sauvé des gamines ! Quand il parle d’adoption, il a moins d’expérience, je l’ai déjà pris de front dans des conférences, là j’essaie d’être plus « délicat » (si, si parfois je peux être délicat), peut-être je me suis habitué à ce qu’il fallait faire avec lui, et de lui montrer des exemples concrets pour tenter de faire varier ses points de vue. Ce qui m’ennuie plus c’est que certains médias ou politiques lui demandent son avis sur tout ou rien que pour plaire à la concierge de Bernardo. Et on peut lui reprocher à lui d’accepter cela.
Bernardo, je te lance un appel, quand je ferai dans mon blog un billet sur "L’incroyable retournement de situation à la dernière minute du seizième de finale du match de curling entre le Liechtenstein et le Kazakhstan lors des derniers JO", ou sur "Pourquoi Sabrina a été virée de la Ferme des célébrités en Afrique", ou sur "Comment j’ai fait pour changer mon joint de culasse", je compte sur toi pour me dire : « Ferme ta gueule et ne parle pas de ce que tu ne connais pas ! ». Il faut dire cette phrase à Marcel, sans doute, mais ce n’est pas lui qui a fait fermer les rapatriements.
Quelques brèves à propos d’autres sujets que toi ou les commentaires de ton billet évoquent.
Pour l'adoption individuelle, je ne sais pas si certains en profitent pour faire passer ce sujet, mais il y en a tellement qui profitent de Haïti pour régler leur compte que....
Et puis arrête de jouer à l'ours avec ton bon coeur, que je connais. Il est normal que les parents expriment leurs inquiétudes, leurs douleurs, c'est terrible de perdre un enfant, cela fait encore plus peur d'avoir peur de le perdre.
Une petite réponse à Zench, à propos de sa jolie formule sur le déracinement brutal ou en douceur, il a oublié une troisième possibilité, que l’on pouvait aussi laisser le jeune plant dans une terre qui a subi un traumatisme, qui n’est plus arrosée et où il n’a aucune chance de pousser !
A propos du voyage dans le pays d’origine, de la connaissance du pays de naissance de leur enfant par les parents adoptifs, je suis pour à 100%. Et je trouve dommage que certains pays comme l’Ethiopie (autrefois) et la Corée (toujours) l’interdise.
Mais il y a des circonstances où cela ne peut pas, ne doit pas se faire… Dans le Haïti actuel…. faut pas exagérer, je crois que l’on n’a jamais vu un tel séisme, envoyer des familles sur place on court à la cata, pour leur sécurité (on a vu des policiers piller l’aide humanitaire), et parce que la situation vis à vis des futures adoptions reste trop opaques pour les laisser se démener pour rien ! Soyons raisonnables !
Voila mon Bernardo, n'oublie pas de seller mon cheval et de m'envoyer combattre de nouveaux moulins, mais ne fais pas exprès de desserer la courroie de la selle de Tornado, juste pour le plaisir de me voir me vautrer dans la boue !
Ne parlant pas la langue de Cervantés, j'espère que tes derniers mots ne sont pas des propositions indécentes.... de mon côté je te fais une accolade bien virile.
Sache que la porte de ce blog t'es grande ouverte, tu sais où trouver les clés pour d'autres communications, sur l'autre blog aussi, j'ose espérer un billet sur les talonneurs puisque tu connais mieux que moi ce poste de psychopathe !
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6 commentaires:
joli duo !! bravo ;-)
En ce qui concerne le voyage en Haïti que je trouve dangereux, risqué, traumatisant... c'est tout de même ce qui semble prévu à partir de maintenant ... puisque les passeports seraient en prépa pour les 117 dossiers visés à..l'Ambassade... j'espère que l'Etat français ? va accompagner les parents... ils ne manqueraient plus qui'ils soient attaqués comme voleurs d'enfants...
... moi aussi je n'aimerais pas être dans les baskets de ceux qui ont fait arrêter les rapatriements, la pluie commence à tomber sérieusement les nouvelles ne sont pas bonnes.. pour personne.. et cela me met dans une rage folle ne nombreuses communautés n'ont rien reçu http://godslittlestangelsinhaiti.org/andlifegoeson/2010/02/26/sharing-what-we-have-with-those-in-need/ alors que les ONG ont reçu plein d'argents... grrrrrrrrrrrrrr
à suivre
Brigitte
Merci Docteur de cette réponse. J'ai supprimé deux fois mon com hier, mais aujourd'hui je souhaite juste écrire que oui il faut accompagner nos enfants vers une sérénité et une sécurité vers leurs familles, oui nous en sommes capables comme nous l'avons toujours été avec nos enfants, dans l'adoption internationale, oui, nous avons besoin de parler de nos histoires perso aussi, et nous le faisons sur des blog, des posts car ne pouvons le faire sur des plateaux télé ou au ministère (seuls nos élus locaux, deputés et senateurs nous repondent, Mr Monchau nous repond, Monsieur Guégan nous repond, par mails, mais manquent à l'appel la Presidence de la republique, le 1er ministre et le MAE via Mr Kouchner qui nous repondent par communiqué ou reponses type)...
Je respecte Monsieur Tomianka pour ce qu'il a fait, un travail enorme au niveau de l'apaec dont nous faisons partie et je remercie l'APPO d'ecrire sur son site votre ressenti sur ce qui nous arrive, nous familles dans l'attente avec nos petits...
Mais nous avons besoin de plus, nous avons le soutien du MASF, nous avons besoin le soutien de chauqe APPO qui sont toutes concernées, il faut que chacun, chaque famille adoptive se sente concernée car qui ne s'est pas dit "et si cela m'etait arrivé en Colombie ? ... au Vietnam ? en Ukraine ? au Mali ?... tout le monde s'est posé cette question. Pouvoir se sentir soutenus dans notre inquiétude pour la santé et l'avenir de nos enfants que nous avons sérrés dans nos bras, aimés et cajolés est important, aussi important que tout autre débat.
Nous sommes un fait divers qu'il faut mettre en avant, 914 familles concernées, l'adoption internationale et nationale et procédures OAA ou individuelle concernées, mais surtout, survie de nos enfants dans l'urgence du risque des épidémies. Je sais que vous me comprenez Monsieur Tomianka, et les paroles de psy ne m'importe peu, je les respecte mais nous parents, vous, JVDM, tous, nous avons aussi notre parole qui compte...
Servanne y Juan, Laura et Romane adoptées en Colombie qui attendent petit Diégo, 15 mois.
bravo pour cette belle démonstration de démocratie ... :-)
pour le reste, c'est entre le berger et sa bergère :-)
merci
Bonjour,
Il y'a une question qui me trotte dans la tête depuis pas mal de temps, surtout au vu des différentes thématiques à droite dans votre blog, c'est la manière dont vous voyez l'adoption et le handicap ? Comment les choses se passent-elles quand on découvre le handicap d'un enfant plusieurs mois, voire plusieurs années après son adoption ? Avez-vous eu de tels cas, repéré des problèmes spécifiques ? Désolée pour cette question complètement HS par rapport au sujet du jour, que vous comprendrez sans doute si vous faites un tour sur mon blog : http://smaetmoi.blogspot.com
Et c'est fort banal, mais je vous remercie encore pour vos prises de position, tellement claires dans cette obscurité...
bonjour,
je viens de lire l'article de France Antille ...
la dernière phrase me terrifie :
on « ralentit à l'extrême les procédures plutôt que de les accélérer » , de façon à atténuer la détresse psychique des enfants.
c'est ici : http://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/societe-social-emploi/haiti-des-experts-pour-denouer-le-couac-de-l-adoption-27-02-2010-69154.php
sont ils tous vraiment expert de l'adoption ?
Docteur, vous les connaissez ??
Michèle ...
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