Ce jour dans La Croix mon papier qui j'espère rétablira quelques vérités sur l'adoption et l'arche de Zoé.
Voici ce texte pour ceux d'entre vous qui n'ont pas eu ce journal dont j'aime le recul :
L’adoption n’est pas un geste humanitaire
«C’est bien ce que vous faites ! » Trop souvent des parents adoptifs entendent cette phrase, prononcée par des proches ou des inconnus. Cela peut faire plaisir, mais cela ne correspond en rien à la réalité de l’adoption. Beaucoup trouvent charmantes ces petites têtes plus ou moins bronzées, aux pommettes hautes, aux yeux bridés, aux cheveux crépus, accrochées à des mamans blondes et des papas au visage pâle.D’aucuns pensent que les parents adoptifs sont très généreux d’accepter une filiation qui n’est pas la leur, de donner un coup de main à des enfants défavorisés. Ces réactions traduisent une grande méconnaissance de l’adoption. Elle n’est ni une recherche d’exotisme, ni un acte de générosité. Dans neuf cas sur dix, la principale motivation pour adopter est de corriger une infécondité (que l’on soit célibataire ou vivant dans un couple stérile). Pour les 10 % de parents adoptifs qui n’ont pas ces soucis de fécondité, c’est bien le désir d’agrandir sa famille qui doit motiver l’adoption et non celui de sauver des vies.L’adoption découle le plus souvent de la rencontre de deux égoïsmes. Égoïsme d’un adulte ou d’un couple qui souhaite créer ou agrandir une famille, égoïsme d’un enfant en recherche d’un père et d’une mère pour s’occuper de lui. C’est bien la rencontre de ces deux désirs égoïstes qui permet souvent d’arriver à un bonheur commun. D’autres sociétés – en Afrique subsaharienne ou dans le Pacifique – l’ont compris depuis longtemps. Il n’y a pas le même regard sur les familles adoptives, et les « liens du sang » y sont moins sacralisés. Notre puissance économique et militaire nous fait souvent oublier que les bons exemples sont parfois ailleurs.Les membres de l’Arche de Zoé viennent d’être libérés. J’ai peur que leurs déclarations, afin de tenter une fois encore de se présenter en héros, ainsi que le traitement médiatique qui en sera fait, entretiennent encore cette ambivalence. Évoquant des faits réels sur le sort des enfants du Darfour – les enfants meurent sans que cela soulève des vagues d’indignation dans notre monde –, ils ont justifié la nécessité d’intervenir pour tenter d’en sauver quelques-uns. Le problème est qu’on ne s’improvise pas famille d’accueil d’un enfant avec un aussi lourd bagage de souffrance si on ne s’est pas préparé. Des agréments existent en France, ils sont obligatoires, tant pour les familles adoptives que pour les familles d’accueil. Ils sont justifiés : que se passerait-il, pour un enfant déjà ballotté par la vie, si au bout de trois mois, une famille « d’accueil », surprise par les difficultés, ne pouvait plus assumer sa prise en charge ?Pour le cas des familles de l’Arche de Zoé, je crois que la plupart attendaient bien un enfant à adopter. On pouvait donc se rassurer sur l’avenir des enfants, mais cela montre qu’il s’agissait bien d’une adoption déguisée et le terme de trafic n’est pas inopportun. Cette association n’avait, elle non plus, aucun agrément pour permettre et organiser des adoptions : profiter de l’instabilité d’un pays pour en faire sortir des enfants sans contrôles fiables est bien la preuve d’un manque de clarté. Le flou existait aussi sur le pays d’origine : Tchad ou Soudan ?Plutôt qu’au sort des membres de cette association, je pense à celui de leurs petites victimes. Ces enfants ont, pour la plupart, retrouvé leur famille, j’espère que cette longue errance ne les aura pas trop traumatisés.J’ai aussi plus de commisération pour tous les enfants adoptés qui, depuis le début de cette affaire, se sont entendu dire en cour de récréation que leurs parents étaient des voleurs d’enfants. J’aurais souhaité entendre les médias évoquer ces drames quotidiens.S’il faut sans doute condamner, il faut aussi comprendre pourquoi des familles ont accepté de prendre un tel risque, de « franchir la ligne jaune » : lorsque l’on veut adopter, on se heurte à des parcours de plus en plus longs et de plus en plus compliqués. Cela peut s’expliquer par des raisons géopolitiques : tel ou tel pays ne veut plus que ses enfants partent à l’étranger. Cela est aussi justifié pour que les adoptions soient propres, irréprochables. Mais l’excès serait de tomber dans la suspicion systématique, la plupart des adoptions n’ont rien à voir avec quelques aventuriers illuminés.Il faut aussi garder en mémoire que chaque jour des enfants meurent dans des orphelinats du tiers-monde : mourir de ne plus avoir d’espoir, mourir de n’avoir jamais de sourire, mourir de diarrhées parce qu’il n’y avait pas une maman ou un papa pour donner patiemment à boire à chaque instant. Cela n’est pas tolérable, c’est encore moins tolérable quand on sait que cet enfant était attendu par une famille française, et qu’il ne manquait parfois qu’un tout petit bout de papier, dont l’importance paraît bien futile, pour entrer en France. Je ne pense pas que l’Arche de Zoé leur ait rendu service.
13 commentaires:
merci à vous.
Et oui, en attendant des enfants meurent...
Merci à vous pour vos actions et vos écrits.
Audrey, maman de Thomas (7 ans - bio) et en attente d'Azolina (2 ans)
Agrément décembre 2005
Pré-dossier accepté en Haïti le 16/10/2006
Dossier arrivé en Haïti le 30/11/2006
Faustine entre dans notre vie le 28/01/2007
Entrée du dossier à l'IBESR le 26/02/2007
Sortie de l'IBESR le 29/06/2007
Entrée au parquet début juillet 07
Décès de Faustine le 11/09/2007 alors que le dossier sortait du parquet
Azolina entre dans notre vie le 26/10/2007
Entrée à l'IBESR le 23/01/2008
Sortie de l'IBESR : 18 avril 2008
En attente de l'entrée au parquet
Bonjour Docteur,
Tout d'abord laissez moi vous remercier pour avoir ouvert ce blog qui je suis sure apportera beaucoup à chaque famille adoptante.
Ceci dit j'ai quelque peu envie de rebondir sur vos propos concernant les familles d'accueil dans le projet de l'Arche de Zoé. Je faisais partie de ces familles d'accueil potientielles et je dois dire qu'il est un peu insupportable de lire ou d'entendre sans arret des intentions qui n'étaient pas les miennes. Je suis maman d'une grande fille de 19 ans et j'ai adopté à 2 ans d'intervalle 2 enfants d'origine haitienne. Si j'avais voulu franchir une quelconque ligne jaune je l'aurais fait à ce moment là car adopter 2 fois à plus de 40 ans, quand on est divorcée, pas riche et qu'on a un enfant bio c'est loin d'être facile!!!
Pourtant je l'ai fait tout comme il faut et jamais il ne me serait venu à l'esprit de faire autrement par respect pour mes enfants et l'adoption internationale.
Quand je me suis proposée comme famille d'accueil pour le projet ADZ, c'était bien pour apporter ma petite pierre au sauvetage d'enfants en danger. Des questions je m'en suis posé des centaines sur cet accueil, sur la place de cet enfant dans ma famille, sur sur le fait que peut être il ne resterait pas, sur le fait que peut être un jour si cela était possible il deviendrait membre à part entière de ma famille.
Jamais je ne me suis proposée pour contourner quoique ce soit, mon but n'a jamais été d'avoir un enfant de plus à la maison, mon but était de permettre à un enfant de trouver une maison, un espoir d'avenir. Alors bien sûr la conséquence aurait été que j'aurais effectivement eu un enfant de plus à la maison, que peut être que cet enfant serait devenu le mien dans un avenir très lointain mais jamais cela n'a été le but.
Comment peut on faire comprendre cela ? J'ai rencontré une grande partie des familles d'accueil dans ce projet et je peux dire que la quasi totalité était dans cet optique. Nous échangions beaucoup sur tout ca, beaucoup de ces familles avaient déjà des enfants et souvent plusieurs et souvent des familles composées d'enfants adoptés ou bios et adoptés. D'ailleurs un grand nombre de familles étaient des gens du domaine de l'éducation, du social, du paramédical, du médical. Des gens très concernés par l'enfance en général, donc pour qui accueillir un enfant avait paru couler de source.
Les intentions un peu glauques qui nous sont prêtées un peu partout sont vraiment difficiles à avaler.
Cordialement
Dans ce que vous dites Maryse, je vois quelque chose que je dis toujours (surtout à propos d'adoption) c'est qu'il ne faut jamais généraliser.
Oui je pense qu'il y a des gens qui ont voulu faire quelque chose de bien avec l'ADZ, oui il y en a qui, naïvement ont crus que ce serait un moyen efficace d'adopter, sans se douter de l'aspect très dangereux de la chose, oui je crois que l'infirmière qui faisait partie du voyage a été plus victime que coupable.
Par contre, quand j'ai eu des contacts avec eux en juillet, il m'a fallu très peu de temps pour comprendre qu'il n'étaient pas clair. C'est le médecin que j'ai eu, quant à Breteau je n'en parle même pas.
Je me pose aussi pas mal de questions sur la journaliste de France 3 qui est partie elle aussi pour avoir un enfant qui a été libérée avec les journalistes et qui se fait de l'argent maintenant avec ses films !
Je retiens aussi le mal que cela a fait, pour les enfants adoptés de France pour les relations entre la France et l'Afrique (cf le dernier rapport des ambassadeurs de France en Afrique), pour les enfants qui ne pourront être adoptés en conséquence de cela.
Et surtout pour les 130 petites victimes directes.
JVM
merci beaucoup de votre initiative et pour cet article que j'ai retransmis à bon nombre d'amis. Il rejoint parfaitement mon opinion quand au fait qu'il ne faut jamais mélanger adoption et humanitaire. En temps qu'avocat et maman d'une grande fille bio de 23 ans et d'un petit garçon de 7 ans qui est né en thailande , j'ai suivi de prêt l'affaire de l'arche de zoe, qui est interessante au plan juridique. J'ai conservé des articles de cet association qui laissait entrevoir aux personnes qui s'engageaient l'éventualité d'une adoption, s'agissant de toutes façons d'enfants censés être orphelins. Même s'il ne s'agissait que d'un accueil de longue durée, nul doute que les parents se seraient attachés à ces enfants qu'ils pensaient pouvoir être les seuls à sauver !N'étant titulaires d'aucun agrément, n'ayant manifestement pas le soutien des autorités françaises, comment ont-ils pu imaginer qu'ils se les verraient confier à supposer qu'ils parviennent en France ? Même si leurs intentions peuvent paraitre louables, il faut être inconscient pour s'engager de la sorte et je ne comprend pas qu'on ait pu accepter de débourser de telles sommes dans ces conditions. Il n'en demeure pas moins que les sanctions infligées par le tchad aux principaux interessés étaient totalement disproportionnées par rapport aux faits commis et qui ne me semble pas pour autant relever de l'escroquerie. Carine BLOCH
Je découvre votre blog avec grand plaisir, étant maman adoptive d'une petite fille née en Colombie.
Je voulais juste rebondir sur le "c'est bien ce que vous faîtes", vous avez merveilleusement bien écrit le quotidien des remarques et réactions de notre environnement.
Carine,
Je ne suis pas sûre qu'il faille continuer à débattre de tout ça sur ce blog mais juste pour dire et redire que si les familles se sont lancées c'est bien parce que toute la procédure a été validée par un collectif d'avocats et nous avons tous pu rencontrer de visu sa représentante et lui poser les questions que nous avions à poser.
De plus, les dossiers des familles ont été déposés avant le 25 octobre auprès du juge des affaires familiales de Chalons en Champagne afin qu'il statut sur le fait de nous nommer administrateurs ad'hoc de ces enfants. Tout semblait aller bien comme il faut.
Quand on avocat me dit tout ça, moi je le crois, et cela me semble normal. Si on se met à douter des avocats à quoi cela sert-il que l'on s'alloue leurs services ?
Cordialement.
Merci beaucoup, Monsieur, pour votre article que, après l'avoir découvert dans La Croix, je me suis permis de placer sur notre blog : http://rayonsdesoleil.over-blog.com. Je suis Jean-Marie Carlier, délégué permanent de la Fédération des Rayons de Soleil de l'Enfance qui regroupe une quinzaine d'associations oeuvrant dans le champ de la protection de l'enfance (accueil des enfants, accompagnement des parents...) et nous comptons parmi elles : "Le Rayon de Soleil de l'Enfant Etranger", OAA reconnue pour l'adoption internationale.
Je trouve ces questions très délicates et suis comme vous , je le crois, assez sensible à la façon d'aborder la réflexion sur ces sujets à "Racines coréennes".
A ce titre, j'apprécie notamment l'article écrit en décembre 2007 : "L'intéret supérieur de l'adopté" que vous devez connaître.
Notre fédération voudrait aujourd'hui se servir de son réseau national de professionnels et de bénévoles qualifiés pour mettre au service des parents adoptifs d'avantage d'écoute et d'accompagnement et nous travaillons en ce sens.
Merci encore et bravo pour votre blog !
Cordialement
Jean-Marie
http://www.lepost.fr/article/2007/11/15/1052448_l-arche-de-tous-les-dangers_1_0_1.html
J'avais écrit cet article, il y a quelque temps.
Amcicalement
Louise B
http://louisebrun.canalblog.com
"L’adoption découle le plus souvent de la rencontre de deux égoïsmes. Égoïsme d’un adulte ou d’un couple qui souhaite créer ou agrandir une famille, égoïsme d’un enfant en recherche d’un père et d’une mère pour s’occuper de lui."
L'égoïsme de l'adulte surtout, qui est pleinement conscient et responsable de ses actes !
Egoïste, l'adoption.
Oui, l'égoïsme des parents est évident, oui ils sont responsables, pas toujours conscient s de toute la problématique toutefois.
Par contre ce que veulent les enfants c'est quelqu'un pour s'occuper d'eux les aimer.
Dans de nombreux orphelinats les enfants réclament des parents, réclament à être adopté, ce désir existe bien, il est avant tout égoïste, même si cela est moisn évident
Je suis parfaitement d'accord avec ce que vous dites. Merci de l'avoir écrit.
Trop souvent j'ai entendu dire aux parents adoptifs "c'est bien ce que vous faites ! Quel bel acte de générosité".
Les gens ne réalisent pas ce que l'enfant apporte aux parents. Jamais on entend l'inverse, c'est-à-dire, "c'est bien ce que tu fais à tes parents, c'est généreux de ta part !".
Sophie, 40 ans, en projet d'adoption.
En couple avec Caroline, 46 ans (adoptée également).
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