mardi 5 mai 2020

Rapatriement des enfants en cours d’adoption pendant le confinement


Lu sur le net : "...la présence dans l'enceinte de l'Aéroport ...

Bien que récemment nommé co-animateur de la Commission Adoption du Conseil National de la Protection de l’Enfance, je m’exprime sur ce sujet, en mon nom propre, m’appuyant sur mon expérience de plus de 20 ans de consultation d’adoption et mes travaux d’anthropologie sur les adoptions inter ethniques.
Il y a dix ans, Haïti subissait un terrible tremblement de terre, dont les secousses ont continué à être perçues pendant de nombreux mois en France. En effet, les spécialistes de l’adoption (plus ou moins expérimentés) se sont déchirés longuement pour savoir si le millier d’enfants haïtiens, déjà apparentés à des familles françaises devaient être rapatriés en France le plus tôt possible ou attendre plusieurs mois, voire plusieurs années, le temps que la catastrophe naturelle ait pu être digérée.
Je m’étais alors très clairement et très fermement prononcé pour une arrivée rapide de ces enfants. La principale raison était sanitaire, je me refusais à accepter de jouer avec la santé des enfants. Il y avait de nombreuses raisons d’inquiétude. Le risque d’épidémies (notamment choléra) était majeur, la malnutrition était encore plus présente qu’en temps habituel, et comme tout le pays, le personnel des orphelinats était en état de choc : les nourrices (pour beaucoup endeuillées) avaient du mal à s’occuper des enfants.
De l’autre côté de l’Atlantique des parents s’inquiétaient justement pour ces enfants qui étaient déjà les leurs, un certain nombre les avaient déjà rencontré, les autres les avaient largement investis.
La « lutte » avait été acharnée et longue mais un an après le séisme, tous les enfants apparentés avaient pu rentrer.
Depuis le début du confinement, des enfants, dans divers pays du monde (Haïti en particulier, mais pas seulement) qui auraient  dû arriver en France depuis la mi-mars sont « coincés » dans leur pays d’origine. Les parents adoptifs sont, tout à fait normalement, très inquiets, en souffrance que cette attente, déjà trop longue doive encore se prolonger et réclament à l’Etat d’organiser les rapatriements.
Contrairement à ma position d’il y a dix ans, je ne souhaite pas que ces enfants arrivent en France de manière trop précipitée. La situation est bien différente. En particulier sur le plan sanitaire, même si un mois, deux mois, trois mois en institution sont toujours de trop, les enfants ne courent pas le même risque. Pour des raisons pas toujours compréhensibles, les pays d’origine des enfants sont souvent moins touchés que la France par le Covid 19. De plus, les enfants, même s’ils vivent en communauté font très rarement des formes graves de cette maladie et le confinement n’est (malheureusement) pas une nouveauté pour eux, car les sorties hors de l’orphelinat sont rares sur presque toute la planète.
On sait aussi à peu près quelle sera la durée de cette interruption des processus. Et surtout, si en 2010, seul Haïti était à genoux, en 2020 la planète est arrêtée dans son entier… Sur de nombreux plans, à commencer par les transports aériens, la situation ressemble effectivement à un état de guerre. Faire voyager des enfants, seuls, sans préparation, en respectant les normes sanitaires, menace de faire pencher la balance risque/bénéfice du mauvais côté.
Mais ceci, ne doit pas nous empêcher d’être tout à fait compréhensif, et dans l’empathie (c’est-à-dire de comprendre leur souffrance) avec ces familles qui attendent. Il est nécessaire de les accompagner, de pouvoir leur donner régulièrement des nouvelles de leurs enfants, si possible d’organiser des rencontres « visuelles » (Skype, Zoom, etc) pour maintenir le contact, mais aussi de les aider à organiser leur voyage, leur rencontre, que tout soit prêt dès que les vols reprendront… on peut même imaginer des demandes de priorité auprès des compagnies aériennes, pour que ces parents puissent être dans le premier avion qui les emmènera vers leur enfant, et que le prix de ce vol ne soit pas trop prohibitif.