mardi 9 mars 2010

Alerte Plomb en Haïti (Saturnisme) : Créche de l'Espoir des Petits Anges d'Haïti

Cela peut sembler dérisoire par les temps qui courrent, notamment en Haïti, mais une des fonctions premières de ce blog est celui de sentinelle et d'alerte.

Le saturnisme (intoxication au plomb) était fréquent en Haïti, principalement à cause des vielles citernes, il ne risque pas de diminuer prochainemetn car quand on a tout un pays à reconstruire, changer les citernes ne sera peut-être pas l'objectif du moment.

Pour tous les enfants arrivant de Haïti, je conseille de doser le plomb dès l'arrivée de l'enfant.

Jusque'à mainteant je trouvais asez souvent des taux entre 100 et 200 ne nécessitant qu'un contrôle pour s'assurer que ce taux diminue bien.

Je viens d'avoir un taux, bien plus élevé et à risque de toxicité chez un enfant arrivé il y a quelques mois de la Créche de l'Espoir des Petits Anges d'Haïti (CEPAH), je ne peux qu'encourager les parents dont les enfants viennent de cet endroit de réaliser cet examen si cela n'a jamais été fait, même si leurs enfants sont là depuis au moins un an.

Ce message peut bien entendu (comme tous mes messages, ce blog est public) être relayé sur les sites de discussion des parents "haïtiens".


PS rajouté secondairement : ce billet s'adresse surtout aux parents ayant déjà adopté en Haïti en général, et encore plus à ceux ayant adopté dans cette créche que je ne connais pas trop, pour signaler un risque (le saturnisme) qui peut exister en Haïti même s'il n'est pas trés connu.
Cet enfant a été adopté avant le séisme. Pour ceux qui sont encore sur place, il n'y a pas de traitement à faire, et la prévention serait d'avoir des citernes sans plomb, mais c'est parfois leur seul moyen d'avoir à boire.... pas mal d'enfants aprés le séisme ont soufferts de la soif ! Si cette créche a changé d'endroit, espérons que ce nouveau lieu soit avec une citerne plus moderne.

lundi 8 mars 2010

Quels enfants en Haïti ?

Comme mon blog devient un endroit bien lu, voici un petit article qui ne servira qu'à enfoncer les portes ouvertes pour ceux qui connaissent bien l'adoption, mais qui permettra de mieux comprendre les débats pour les autres. Cela pourra aussi aider ceux qui avaient fait arrêter le rapatriement et qui n'avaient pas tout compris....

Dans la vie il y a deux types de personnes : ceux qui rangent tout le monde en catégorie et ceux qui ne le font pas. Malheureusement, parfois j'appartiens à la première catégorie.

Tous les enfants ont la même valeur, mais aux yeux de la loi (française et haïtienne en l'occurence) ce n'est pas toujours le cas.

Première catégorie d'enfants : ceux dont le jugement d'adoption était bouclé. Il s'agit des 370 et quelques déjà rapatriés et des 117 qui ont bénéficié de la prime "un mois gratuit de camping sous le soleil des Antilles". Puisque certains ont été aussi léger que cela à leur égard, cela mérite bien une pointe d'humour noir ! Pour ces enfants, l'apparentement était ancien, le jugement prononcé, il ne manquait que quelques paperasses, et on peut parler de "rapatriement" puisque leur nationalité française était quasiment acquise.

Deuxième catégorie d'enfants, ceux déjà apparentés à des familles françaises, c'est à dire qu'ils ont été présentés à des familles françaises, qui les ont souvent déjà investis comme LEURS enfants, mais ils sont encore plus ou moins éloignés de la procédure finale. Il va falloir agir avec prudence, car même si l'immense immense immense majorité d'entre eux seront adoptés par des familles françaises, même si comme toute la population haïtienne, ils sont en danger et en grande précarité, leur adoption n'est pas encore scellée. Pour un petit nombre d'entre eux, leurs familles biologiques peut exercer des recours et souhaiter interrompre le processus d'adoption.
Le mieux pour eux serait d'envisager une aide administrative, dans un pays détruit, dont la priorité première ne sera sans doute pas l'adoption de quelques centaines d'enfants, afin que les processus d'adoption haïtiens, déjà très longs, plus par manque de moyens que par soucis éthiques, ne s'éternisent pour ces enfants qui sont eux aussi en danger !

Et puis, il y a tous les autres enfants, ceux qui ont leurs parents, et ceux qui n'en ont plus, parce que leurs parents sont trop pauvres pour les garder, parce que leurs parents ont péris dans le séisme. Peut-être, sans doute, certainement, pour une partie d'entre eux l'adoption sera la solution de leur avenir. L'évoquer ce jour, vouloir l'imposer ne serait que pur colonialisme, aller chercher ces enfants, en décrétant que l'adoption serait la meilleure solution, sans réfléchir à autres choses, serait d'un mépris énorme pour ce peuple déjà si lourdement accablé. Le faire serait donner raison à tous ceux qui ont accusé les parents demandant le rapatriement de LEURS enfants d'être des voleurs, des hyènes, des vautours. La solution à ce jour est de les aider, de leur venir en aide, comme à tout le peuple haïtien, une aide réelle et désintéressée, celle qu'un humain doit donner à son prochain.

Lettre ouverte de Fanny Cohen Herlem

Bonjour,

je pense qu'il serait temps d'arrêter de s'envoyer des scuds de tous genres à la tête.
Les "acteurs de l'adoption" comme on les nomme pompeusement sont nombreux, différents par leurs fonctions, leur ancienneté, leurs partis pris, leur formation, ...(j'en fais partie...)
Et, en plus, ils se connaissent pratiquement tous pour s'être rencontrés dans des colloques divers et variés, avoir travaillé ensemble, et s'être affrontés, parfois durement, avec, bien entendu, et on l'espère, toujours , "le souci de l'intérêt supérieur de l'enfant", son droit à avoir une famille et non l'inverse.
Pourrait on à partir des questions soulevés par le séïsme d'Haïti, réfléchir également à présent sur la façon de soutenir les familles qui se sont ainsi constituées? Parler des moyens déployés par les Conseils Généraux, qui n'ont pas attendu pour se mettre au travail,
Savoir quels sont les confrères informés et disponibles prêts à ouvrir plus grand leurs consultations, selon quelles modalités? et les appeller à se faire connaître...

Peut-on réellement croire qu'un "sas " non obligatoire de deux jours à Paris pourrait résoudre quoique ce soit, et que les parents et les enfants iront volontiers passer deux jours hors de chez eux pour "un bilan?" ne serait-il pas plus adéquat qu'ils puissent être accompagnés près de chez eux?

Une autre question me paraît majeure, même à retardement: QUI SONT LES SPECIALISTES qui viennent de partir pour une mission d'évaluation de quelques jours? Pourquoi leur nom n'apparaît nulle part? Sans mettre ne cause leurs qualité on peut être surpris de cet anonymat. Et d'ailleurs, peut-on sérieusement penser qu'ils seront à même en 4/5 jours à 4 ou 5 personnes d'évaluer la situation et l'état psychologique de 116 enfants et de les préparer à la rencontre avec leurs parents adoptifs?????
Il y avait déjà eu un groupe de "spécialistes " qui avait proposé un "sas" en Guadeloupe, rapidement annulé....Donc il y a de quoi se questionner...

D'autres questions sont bien entendu à l'ordre du jour, les moyens très insuffisants des COCAS, qui font face autant que faire se peut, mais n'ont pas le temps, ni les spécialistes en nombre suffisant (combien, entre autres, de pédopsychiatres et de psychologues???
La sécurisation des adoptions dans les pays non La Haye, une vraie préparation des candidats à l'adoption, celle des enfants quand elle est possible...
etc...


Dr Fanny Cohen Herlem
Pédopsychiatre

dimanche 7 mars 2010

Les experts Port-au-Prince

Je devais en être et puis je ne suis pas parti, départ trop précipité, les provinciaux étaient trop loin.... c'est vrai que 1h40 de TGV entre Dijon et Paris c'est énorme !
J'étais inquiet, par cette précipitation, par le secret qui pesait sur la composition de cette mission (je ne connaissais que mon amie Anne, en qui j'ai une confiance absolue tant pour son humanité que ses connaissances sur l'adoption), par les rumeurs qui couraient annonçant que les psys qui la composaient étaient de la "mouvance" de ceux qui avaient fait arrêter les rapatriements... par méconnaissance (s'occuper des cellules d'urgence c'est très bien, mais ça n'a rien à voir avec l'adoption) ou par idéologie... dans les deux cas, pas très encourageant pour les p'tits timouns !
Et puis leur avis est tombé, avant même la fin de la mission, et à l'unanimité, elle a été annoncée par un ministre un peu gêné, un peu coincé d'être contredit. Merci à ces experts (toujours inconnus), d'avoir donné cette réponse rapide et honnête. Je les remercie sincèrement, mais, mais, mais.......

... y avait-il une autre décision ?

N'est ce pas scandaleux d'avoir perdu trois semaines pour ces 116 enfants, à qui ils ne manquaient qu'un tout petit bout de papier pour être français. Je n'ai toujours pas compris à quoi cette interruption a servi ?

A venir, un billet pour expliquer encore et pourquoi ces 116 enfants devaient rentrer sans plus attendre.

mercredi 3 mars 2010

Compléments d'information de Sophie Marinopoulos

Jean-Vital, je vous confie un message comme « droit de réponse » qui fait suite à vos propos sur votre blog, afin que vous puissiez le mettre à disposition de vos lecteurs.
Nous nous sommes rencontrés il y a quelques années, déjà dix ans, en 2000 à l’APAEC l’association des parents adoptifs des enfants de Colombie et vous faisiez une intervention sur l’adoption, en tant que « spécialiste ». Vous veniez de prendre vos fonctions. Ce jour là devant 200 parents adoptifs attentifs, vous avez dit « que les parents adoptifs étaient parents à 50% ». Cela a jeté un froid. Conscient de l’effroi que vous veniez de créer dans le public des parents vous avez alors modifié « non à 60%...enfin 70% mais pas plus ». Alors que j’avais pris la décision de ne pas intervenir, le président de cette association a demandé mon avis. Je me suis permise alors de vous reprendre et de me tourner vers tous ces parents et leur dire « vous êtes parents à 100% ». Il me fallait les rassurer car votre intervention tenait de la maladresse alors que dans le fond il me semblait que vous vouliez dire l’importance du lien de filiation adoptif tout en insistant sur l’importance du passé de l’enfant, de son pays où il est né, de ses parents d’origine. Là était notre première rencontre professionnelle qui a scellé me semble t-il un respect réciproque. Nous avons su partager et rire de votre annonce un peu refroidissante qui avait mis en larmes un futur papa fragile qui m’a avoué ne plus vouloir adopter s’il ne pouvait pas être le père à part entière de son enfant. Je l’ai rassuré, j’ai repris vos paroles différemment pour expliquer l’attention toute particulière que vous portiez à juste titre aux origines et qu’à aucun moment vous n’aviez voulu destituer les parents adoptifs de l’importance de leur place. N’est ce pas là notre travail ? Ensemble accompagner les familles adoptives ? Mais bien avant cette conférence qui nous a réuni, ma vie professionnelle m’avait mis sur la rencontre des questions d’abandon et d’adoption. Je doute que vous ne le sachiez pas, mais au vu de la mauvaise information donnée à vos bloggeurs, je vous rappelle quelques éléments de mon parcours tout en répondant à vos attaques, et en tentant de resituer le débat autour de vraies questions et non de disputes stériles.
En 1985 je travaille à l’Hôpital de Nantes, à la maternité et je suis dans le service des interruptions volontaire de grossesse. Là je rencontre des femmes de tous âges, tous milieux, voulant interrompre une grossesse, certaines en délais dépassés, ne pouvant même pas partir à l’étranger, dans des pays aux délais plus large. Ces femmes pour certaines ont fait le choix de ne pas garder leur enfant. Ma rencontre avec celles qui abandonnent est née ainsi puis s’est développée dans la maternité où j’ai mis en place des protocoles d’accueil pour elles, leur conjoint, mais aussi pour l’enfant à naître. J’ai constaté que rien n’était fait pour la séparation précoce, que l’abandon était honni alors que l’adoption était vantée. J’ai commencé à travailler cette question car nous ne pouvons pas être « pour l’adoption et contre l’abandon » en France. Egalement il fallait que nous prenions conscience que « l’enfant abandonné et l’enfant adopté était le même enfant et que nous devions apprendre à prendre soin de lui, en prenant soin des parents de naissance ». Aussi quand je lis dans ce blog 25 ans plus tard, sous votre plume, que ma spécialité sur l’abandon n’a rien à voir avec l’adoption, cela me laisse sans voix. Etes vous pris à ce point par le drame de notre société qui ne pense plus l’homme en interaction, en lien tant au niveau de son corps que de son histoire, pour imaginer « que cela n’a rien à voir » ! Que d’années perdues quand on lit d’un nouveau collègue qui arrive 15 ans après vous dans le domaine de l’adoption, des propos pareils ! Je suis sidérée que vous ayez donné tant de place et d’accueil à la violence et pas un mot sur le travail accompli avant votre venu sur le sujet. Jean-Vital nous sommes nombreux a avoir beaucoup fait sur la question, beaucoup avant moi et encore avant. On ne peut ignorer l’histoire ainsi.
Mais je tiens à continuer sur quelques informations qui vous ont échappé sur mon expérience professionnelle, ce que je regrette. Je me serai bien passé de ce rappel mais je n’aime pas que vous mettiez à disposition du plus grand nombre des informations fausses ou erronées me concernant. Donc, nombreux sont les parents adoptifs qui ont entendu ce discours sur l’abandon et l’ont compris. Très vite j’ai reçu en consultation des familles adoptives et leurs enfants. Leur confiance et celles de leurs enfants nous ont fait partager de longues années où le soin psychique auprès de ces familles, a permis au lien filial et parental de se construire et de se stabiliser avec les spécificités de cette filiation particulière, et, à risque. Les enfants ont été mes enseignants. Ils m’ont tant appris. Avides de grandir ils sont lucides et sans détours. Honnêtes, ils ne pardonnent rien à ceux qui les trompe, les utilise, les bouscule, ne les laisse pas être ce qu’ils sont. Ils savent le dire avec leurs mots qui parfois sont des maux du corps. Chaque adoption qui comporte des zones d’ombre est un cancer familial qui un jour où l’autre se manifestera.
Nous sommes au début des années 1990 quand ces consultations se multiplient. Vous n’êtes pas encore arrivé dans l’adoption. Notre différence d’âge n’est pas très grande, notre expérience en l’adoption est immense. Il faudra attendre encore dix ans, dix années pendant lesquelles je poursuis mon travail dans l’abandon et l’adoption. Un prix de la Fondation de France début des années 2000 pour encourager ce travail unique auprès des bébés abandonnés, leur acheter une layette, un album photo, un livre de vie et un jouet. Aujourd’hui cela vous parait simple ? Mais à l’époque j’ai reçu des attaques sévères pour vouloir accompagner ceux qui abandonnent et les grossièretés d’alors étaient presque du même niveau que celles que nous pouvons lire aujourd’hui dans la bouche des familles adoptives qui parlent sur ce blog. Mais qu’importe à mes yeux tous les enfants ont les mêmes droits et la même valeur. Leur santé psychique est aussi importante que leur santé physique. En vous lisant je ne peux que mesurer le peu de connaissance du monde médical de cette santé et son ignorance du corps psychique. Les enfants sont pour leur part mieux enseigné sur ce sujet. De même très vite ils condamnent les expressions de haine et savent que c’est un poison. Il faut parler longtemps avec eux, les suivre de longues années dans une continuité de soin pour approcher l’enfance et sa logique. Dans l‘affaire qui nous occupe, nous avons oublié la fragilité psychique de l’enfance au point que nous ne voulons rien voir ni entendre. Ainsi chaque enfant a pu entendre que sa souffrance devait rester indicible et que son arrivée en France ne pouvait être que du bonheur. Pour preuve chaque manifestation des enfants arrivés à l’aéroport est vue comme un état réactionnel à la fatigue, le décalage horaire, le manque de sommeil. Son existence d’enfant d’avant est annulée. Pour les français avides d’enfant, ils ne quittent pas un pays, une vie, des amis, des liens familiaux, non tout cela n’existe pas. Ils ne font qu’être accueillis, rencontrent des parents sauveurs, et vont vers la seule vie à nos yeux corrects. Chaque enfant trompé deviendra un adulte révolté et la révolte n’a pas la construction saine de la colère. La révolte est à l’image du séisme : destructeur. Espérons que ces enfants venus dans la précipitation, ne soient pas trop plus tard, révoltés.
En 1992 je décide de partir plus d’un an avec mon mari et mes quatre enfants âgés de 20 mois à 12 ans, autour du monde et de passer dans chaque continent pour faire un travail de recherche sur l’abandon et l’adoption. Ce travail m’a permis de comprendre les enjeux culturels de la filiation et j’ai poursuivi cette recherche en multipliant les voyages depuis. Nos enfants par ce voyage n’ont pas fait du tourisme mais on vécu et participé à la vie si différente des enfants rencontrés. La tolérance passera par nos enfants, et les mettre en situation de vivre et d’aider ceux qui n’ont rien, n’est pas inutile pour demain. Ce sont nos enfants qui feront le monde à venir. Ne leurs montrons pas le chemin de la haine avec des blogs qui font l’hymne à la violence mais essayons ensemble de leur montrer que les différents se dépassent et se parlent.
A mon retour fin 1993, j’ai commencé à écrire reprenant mon travail auprès des mères de naissance (terme que j’ai rapporté de Nouvelle Zélande en 1993 et qui a été repris bien souvent) et des enfants adoptés et leurs familles. 70 % de ma clientèle étaient des parents adoptifs. Une dizaine de livres sont nés et l’adoption est au cœur de mes écrits. Je dois beaucoup à mes petits patients adoptés et leurs parents. Quand vers les années 1995 le petit Lionel, enfant confié à ses parents adoptifs, âgé de 5 ans, vivant avec eux depuis sa naissance, a été arraché à eux à 6 heures du matin par une descente de police qui a cassé les fenêtres et enlevé l’enfant au nom d’un conflit administratif hallucinant, puis remis à un « père » biologique qu’il n’avait jamais vu, j’ai été la seule à prendre ma plume et une lettre ouverte est passée dans les médias, que j’ai adressé à Lionel m’excusant du comportement des adultes à son égard. Aucun professionnel n’a réagit. Pas même vous. Mais il est vrai que vous n’étiez pas encore concerné par tous ces enfants. Nous étions loin des engagements de nos maitres, tel le professeur Lebovici, psychanalyste et humaniste pour qui la cause des enfants avait du sens, à l’origine avec d’autres, de l’adoption plénière de 1966, et avec qui j’ai passé ma thèse dans le milieu des années 1980. Il ne mettait pas sur son blog qu’il était le meilleur, où le seul à connaitre l’adoption. Il agissait et faisait avancer les choses. De même qu’on ne s’auto proclame pas parents- (car on le devient dans le regard de nos enfants qui nous reconnaissent à cette place- et ce dans le temps de la vie- une vie à partager- à construire-pour laquelle il faut des années et des années pour pouvoir recevoir ce statut précieux) on ne s’auto proclame pas spécialiste. Ce statut est donné par ceux qui vous nomment, vous invitent dans le monde pour parler de votre spécialité, vous recherchent pour votre expertise, vous sollicitent pour les aider. Il faut du temps, beaucoup de temps pour cela. Il faut aller à la rencontre des autres, les respecter, les écouter et accepter d’apprendre d’eux.
Vous évoquez l’affaire de Nancy, cette affaire est avant tout l’histoire d’un enfant, Benjamin, que Pierre Lévy-Soussan et moi-même avons expertisé, et dont l’adoption plénière a été cassée. Cette histoire va laisser des traces sur toute l’adoption car elle fragilise le lien adoptif et le rend dorénavant réversible ; C’est une atteinte à la filiation adoptive et à la filiation en générale, donc une atteinte à l’équilibre de nos enfants (tous les enfants) qui ont besoin de liens solides. Une affaire est en cours actuellement et je regrette de ne pas voir un mot sur cette question dans votre blog. Oui je regrette que vous n’utilisiez pas votre énergie sur ce sujet grave qui fonde les relations humaines et qui est le fondement de la sécurité de l’enfant- savoir que des parents c’est pour la vie ! Les années 2000 ont vu il est vrai des adoptions de plus en plus différentes avec les adoptions internationales qui depuis 20 ans ne cessent de se multiplier, donnant un autre visage à l’adoption. Elles arrivent dans une société où le désir d’enfant est pris par la frénésie d’adultes qui dans leur expression ambivalente attendent longtemps pour avoir un enfant et quand ils le décident il faut que cela soit tout de suite. Là est notre vigilance collective. Laisser l’enfant au centre de nos préoccupations et lui garder sa place de Sujet. Ne pas chercher à le posséder mais à l’accompagner dans la vie. L’enfant naît dans le couple ou vient par adoption, pour nous quitter. « Va vis deviens » est l’image d’un film incontournable sur le sujet, la plus belle, et, la plus forte de ce que peut être l’adoption. J’espère que nous en parlerons prochainement ensemble loin de toute polémique.
Avant de poursuivre et de finir, deux mots sur le docteur Lévy-Soussan. Comme vous je l’ai rencontré dans une conférence en 1999. Il débutait sur la question. Nous avons tous débuté un jour et nous avons tous parlé un jour avec notre inexpérience. Depuis cette rencontre nous avons travaillé ensemble et il dirige une consultation spécialisé dans les filiations. Vous pouvez ne pas partager ses idées, ni les miennes d’ailleurs, mais vous n’avez pas le droit de parler de quelqu’un et de mettre en doute ses qualités sans savoir ce qu’il fait. Depuis 11 ans il a acquis une expérience en adoption internationale. Chaque jour il reçoit des bébés, des enfants, des adolescents adoptés qui viennent avec leurs parents pour comprendre ce qu’ils vivent en famille. Il n’est pas comme vous le dites, seulement spécialiste des adolescents. Sa qualité d’écoute est reconnue et les familles viennent en confiance pour comprendre ce qui se joue dans la relation à leurs enfants.
Une autre information, sachez que dans les congrès internationaux, nous sommes régulièrement attaqués, par les autres pays sur le comportement des familles françaises qui veulent adopter. Avez-vous conscience que le monde nous regarde agir ? Savez vous qu’au mois de décembre dernier, j’étais invité à parler au sommet africain sur l’adoption internationale et que certains pays africains m’ont renvoyé que nous n’aimions pas les enfants. Pourquoi ? C’est simple 1) l’arche de Zoé, 2) le tirage au sort des enfants par l’AFA (l’agence Française de l’adoption) 3) les agréments refusés qu’un politique peut accorder ensuite et qui prouve l’absence de valeur de ce document. Résultat ils freinent les adoptions et les enfants restent à attendre dans les orphelinats. J’avoue que depuis quelques jours les mails haineux que je reçois, de ce collectif d’Haïti est à l’image de notre mauvaise réputation et ils me font beaucoup réfléchir ( mais je fais la part des choses entre les familles adoptives et les associations de parents adoptifs qui travaillent depuis longtemps pour le respect des enfants, et ce collectif qui ne les représente en rien). Car une chose est réelle : pour devenir parent, il faut avoir su dompter ses propres pulsions de violence, et sa haine personnelle. Sinon aucune relation humaine n’est possible et surtout pas celles à l’enfant. Alors qui sont ces gens sur ce blog et ceux qui alimentent des discours guerriers? Les pays africains auraient-ils vu juste en détectant dans les comportements de certains, une absence de capacité à devenir parent de leurs enfants ? Je vous laisse dialoguer avec vos bloggeurs de cette question en espérant que vous mesurerez que vos comportements sont en soit des freins à l’adoption et que cela empêche à certains enfants d’avoir une vie de famille. A propos d’enfant qui attend. Un enfant d’Haïti a été refusé par ses parents adoptifs en Guadeloupe. Je résume : on l’a sorti de son pays pour le « sauver », de sa culture pour le donner à des « parents » qui au final n’en veulent plus. Il est aujourd’hui en foyer à l’aide sociale à l’enfance. Que faisons-nous ? Qui va aller parler à cet enfant ? Pour lui dire quoi sur ces adultes inconstants ? Et au final, il est sauvé ? Pas un mot sur cet enfant de votre part. Pourquoi ? Y a-t-il des sujets interdits ? Tabous ? Et pour compléter sur cette préoccupation majeure, je souhaite vous transmettre qu’un pourcentage inquiétant d’enfants adoptés sont ré abandonnés par leurs familles adoptives. En statistique ce n’est pas beaucoup si j’ai bien compris la logique dans votre écrit, en vie humaine à mes yeux c’est énorme. Les enfants ne peuvent pas être enfermés dans des statistiques. Vous ne recevez pas ces parents en souffrance de ne pas réussir à construire une vie avec l’enfant, puisque ce sont les cliniciens psys qu’ils viennent voir, seuls capables d’entendre et de comprendre cette souffrance, celle d’un corps psychique à l’agonie. Car oui le corps psychique peut mourir. Et c’est sur ce constat que repose notre demande de prudence que vous refusez d’entendre. Aussi au regard de cette connaissance spécifique de la vie psychique des enfants, de leur santé psychique, une fois encore je vous demande d’encourager des attitudes de prévention pour tous : les enfants, les parents, leur avenir ensemble.
Et pour finir Jean-Vital malgré tout le respect que je vous dois, vous êtes loin d’être le seul « spécialiste » avec vos dix ans d’expérience sur l’adoption dans le monde. Le docteur Chicoine, pédiatre au Canada a plus de 25 ans d’expérience et rentre de 15 jours à Haïti, Johan Lemieux psychologue 20 ans d’expérience, d’autre encore tel Niguel Cantwell (Suisse), Ivonita Trindade-Salavert (Brésil), Anne-Marie Crine (Belgique), Marie-Christine Pifaretti (Suisse), Martin Saint André (Canada), les spécialistes de Terre des Hommes, Marlène Hofstetter, Bernard Boëton…..la liste est bien longue et je m’excuse d’avance pour tous ceux que j’oublie. Nos connaissances de l’adoption, nos « CV » reposent sur nos pratiques, nos expériences professionnelles et ne parlent pas de nos enfants, car être parent n’est pas un statut professionnel sans compter que la pudeur des enfants fait qu’ils n’aiment pas être exhibés comme un faire valoir.
Je regrette de ne vous avoir jamais croisé dans les journées de partage où les questions sur l’abandon et l’adoption, se posent sans tabous, sans haine et sans jugement dans toutes les langues et avec toutes les cultures. Pédiatres, psychologues, psychanalystes, éducateurs, psychiatres, médecins généralistes, juges, assistantes sociales, OAA, associations, échangent leurs points de vue dans le respect de leur profession. On n’entend personne dénigré la spécialité de l’autre (cf. vos propos sur la psychanalyse quelque peu surprenant en 2010 où chacun sait que la psychanalyse évoque la vie affective et émotionnelle…). Là, pas de guerre et de combat, seulement l’envie de s’enrichir, d’écouter un regard différent sur ces questions, avec pour seul objectif commun : être au service des enfants et de leurs familles. Venez aux prochains échanges au Brésil en Août 2010, colloque mondial dont le docteur Lévy-Soussan est le président. Si cela n’est pas possible il y a le canada en octobre et bien d’autres encore. Appelez-moi que nous en parlions.
Ma réponse est bien longue mais la quête de la paix comme valeur absolue à défendre est un long cheminement alors qu’une déclaration de guerre tient en une ligne. Mon arrière arrière grand père, Frédéric Passy, premier prix Nobel de la paix, l’aurait sûrement mieux dit que moi, mais je pense que vous recevrez l’essentiel de ce message.
Je vous garde mon amitié
Sophie Marinopoulos




Je suis désolé j’aurai souhaité que ma réponse parasse dans les commentaires, elle est trop longue pour cela, désolé de « polluer » le message de Sophie Marinopoulos.
Avant toutes choses, je tiens à dire aux lecteurs de ce blog, que j’ai la possibilité de supprimer un commentaire, je ne l’ai fait qu’une fois pour un message écrit en chinois qui orientait vers des sites porno. Je ne l’ai même pas fait quand un vautour me menaçait des pires représailles. Je n’hésiterai pas à le faire si des propos injurieux apparaissaient. Sophie a eu le courage d’écrire ici, dans un milieu que l’on peut qualifier « d’hostile » à son égard. Vous pouvez lui écrire vos ressentiments ou votre accord, lui posez des questions, je ne sais pas si elle les lira et répondra, mais je veux que ce blog reste un lieu de dialogue.
Inutile de dire que je suis très gentil et Sophie très méchante, cela n’avancera à rien, merci pour vos remarques constructives.

Sophie,
Je suis tout à fait heureux de votre message et en toute sincérité, même s’il me laisse un peu sur ma faim, votre réponse est la bienvenue dans ce blog. Ce blog a été initialement créé pour soulager un peu mon boulot et en mettant par exemple des conseils en ligne pour avoir moins de fois à répéter, que faire face à des diarrhées, etc, etc…. Il sert aussi à pousser des coups de gueule, parfois aussi de café du commerce, et si je n’ai aucun regret sur mon message « Merci » écrit en réaction à l’arrêt des rapatriements, j’en ai un peu plus pour mon billet écrit en réponse à Bernardo, où reprenant son ton humoristique que j’aime bien, j’ai pu être parfois trop caricatural.
Il y a deux jours j’ai laissé la parole à notre ami Bernard, je suis content de vous la laisser aujourd’hui. Je suis prêt à ouvrir ce blog à tous, même les gens que j’exécre le plus dans le milieu adoptif : L’Arche de Zoé, peuvent venir me proposer une lettre ouverte, qu’ils sachent juste que ma réponse sera moins « délicate » que celle que je vais vous faire. Plus qu’un droit de réponse, pour vous Sophie, je préfère appeler cela une lettre ouverte ou un complément d’information.
Je reprends dans l’ordre certains de vos thèmes.
A propos de notre rencontre à l’APAEC, je m’en souviens extrêmement bien, je connaissais votre réputation déjà grande et j’avais été heureux d’échanger avec vous. Mais j’ai quand même besoin de corriger certaines choses, c’était en 2004 et non en 2000, j’avais déjà un peu plus de bouteille. Et le chiffre que je donnais était que les parents adoptifs étaient parents à 95% (et jamais à 50 ou même 70, j’en suis sûr je l’ai même écrit), mon but étant bien de dire qu’il ne faut pas oublier la vie d’avant et la famille bio. Suite à votre intervention (lors de la phase des questions), que j’avais trouvé fort juste, et à la discussion que nous avons eu après, j’ai changé et maintenant je dis « vous êtes parents à 100% de vos enfants mais il ne faut pas oublier que vos enfants ont 5% de parenté supplémentaire qui reste celle de leur famille bio ». Je n’ai aucune honte que mon discours ait pu changer, que vous et d’autres m’aient fait comprendre que même mon pourcentage stalinien de 95% n’était pas assez. Ce qui est merveilleux en médecine et plus encore dans l’adoption et les deux à la fois je ne vous dis pas, c’est qu’on en apprend tous les jours ! Autre correction : je ne crois tout de même pas que cela ait pu faire pleurer un papa !
Je me souviens d’une autre conversation passionnée que nous avons eu, on m’avait prédit qu’avec vous je ne pourrai pas m’entendre, car nous avions de grosses discordances sémantiques, vous qui revendiquez le terme abandon moi qui le bannit pour les enfants adoptés ! Or, c’était la même chose, le même respect pour les familles bio qui nous faisait prendre ces positions en apparence opposées, je cite souvent une de vos phrases lors de cette conversation en conférence en précisant votre nom et vos compétences : « les mères sont abandonnantes car elles sont abandonnées » à propos des femmes qui accouchent sur le secret et j’explique derrière que si j’approuve votre formule, je n’aime pas les parents qui parlent trop vite d’abandon pour faire table rase du passé. Nous avons même eu un projet d’article commun » les mots pour les maux », mais nos agendas respectifs nous ont empêchés de faire cela, je le regrette.
Sur tous vos rappels sur vos actions et vos compétences, je ne les remets nullement en doute, ni celle de Pierre, la seule chose que je remets en doute est peut être que vous avez moins l’habitude que moi de voir des enfants tout juste arrivant. Sachez qu’à part ce qui s’est passé il y a quelques jours, j’ai le plus grand respect pour votre travail, vos actions, la façon dont vous avez fait avancer dans notre société la prise en charge des mères et des enfants lors des accouchements sous X.
Cela n’a fait qu’augmenter ma déception (ma colère) de voir que c’est vous deux qui avaient torpillé le rapatriement, j’en reparlerai plus bas.
Je ne reviendrai pas sur vos tentatives de me faire passer pour un petit garçon, bien naïf dans le monde de l’adoption, comme vous le dites le temps n’est plus aux polémiques stériles.
Je ne me prétends pas le seul expert de l’adoption, je vais même vous dire que j’en ai rencontré pas mal qui ont le même raisonnement que moi sur votre action. Je me permets d’en rajouter un à votre liste car on ne le nomme jamais assez : Jean-Jacques Choulot, pourtant qu’est ce qu’on pu s’engueuler ensemble et qu’est ce qu’on se respecte ! Je ne connais pas son avis sur le rapatriement.
Les experts de l’adoption il y en a trop, même la concierge de Bernardo l’adoption l’est, tous les parents adoptifs pensent l’être aussi, certains le sont. Pour ma part, votre allusion m’a un peu gêné, mes enfants adoptés vont bien (pourvu que ça dure), et si je les adorent, ils sont pour assez peu de choses dans mon choix de devenir un spécialiste de l’adoption. Vous et Pierre en êtes de vrais, pas les cellules d’urgence qui étaient à Orly, ni les volontaires de la Croix Rouge, ils ont été dévoués, courageux, mais sans doute débordés par l’émotion d’un phénomène qu’ils ne connaissaient… De leur part, des critiques aussi dures ne m’auraient pas gênés de vous et de Pierre si !
Mon inquiétude actuelle concerne les experts qui sont partis en Haïti, on ne sait pas qui c’est ni leur niveau de connaissance. J’espère des vrais experts.
Nous sommes tous d’accord que l’adoption n’est pas parfaite, sans doute encore moins en Haïti qu’ailleurs que ces rapatriements étaient source de danger, mais est ce raisonnable de s’arrêter à la première rencontre, est ce raisonnable de ne pas plutôt proposer un suivi précis et prolongé médical et psy comme nous le faisons dans les Consultations Adoption.
Tout comme vous je sais combien on peut prendre des coups quand on défend une éthique de l’adoption. Certains de ces coups reçus, j’en suis fier, d’autres ont pu me blesser
Nous avons beaucoup de points communs, je ne vous passe pas la pommade bien au contraire, car une fois encore cela me donne un sentiment de trahison.
J’ai écrit sur ce blog un article sur Vas Vis et Deviens…
Lors de l’affaire de Benjamin, je n’étais pas expert, mais j’avais combattu à vos côtés, j’avais même évoqué et Dieu sait si j’en ai pris des coups ce jour-là cette affaire dans une émission un peu Fleur Bleue (Delarue)… en révelant que pour la première fois la France avait cassé une adoption plénière.
Je vous avoue que j’ignore l’histoire actuelle similaire à celle de Benjamin dont vous me parlez, si c’est celle des « grands parents de Cholet » je l’ai largement évoqué dans ce blog.
Pour Lionel, j’étais trop jeune dans l’adoption pour intervenir en direct, mais s’il y a bien une affaire que j’ai évoquée c’est celle là, en particulier en Polynésie, où je me suis excusé (non Bernardo ne me compare pas à Ségolène) pour cette injure à la culture et au peuple polynésiens.
Malgré cela, je ne suis pas sûr qu’en France on soit si nul que cela, si ridicule, ceux qui viennent nous expliquer que chez eux c’est bien mieux ont parfois des chiffres de ré abandon ou de divorce parental à faire peur ! Mais j’aime bien qu’ils nous disent ce qui ne va pas chez nous, j’ai quand même fait beaucoup d’anthropologie et on voit mieux les défauts chez les autres que chez soi, et Hervé Boechat et Anne-Marie Crine sont des interlocuteurs privilégies pour moi.
Je suis bien d’accord pour les trois critiques que l’ont peut nous faire, j’en rajoute une 4° qui m’a été faite à Madagascar, sur le dossier médical des parents adoptifs très pauvre : un certificat médical bidon, quand nous exigeons des enfants en pleine forme !
Mais je suis fier du rapatriement que la France a organisé non pas le moins mauvais possible mais le meilleur possible. Je suis fier du boulot du SAI et de notre ambassadeur à l’adoption internationale. Si on compare aux autres pays, nous en France, nous n’avons pas enlevé en masse et seuls des enfants vraiment apparentés à des familles françaises sont arrivés.
Je pense sincèrement que ces enfants ont été sauvés e grave danger et je suis très inquiet pour ceux encore là-bas. Tout ne peut être parfait, ces enfants sont plus fragiles que d’autres, mais en tant que spécialistes de l’adoption en avaient vus reçus en urgence ? Avez-vous élargi vos consultations ? Avez-vous mobilisé les équipes psy de votre hôpital pour leur permettre de mieux aller ?
Vous me parlez de cet enfant refusé par sa famille en Guadeloupe, j’ignorai cette histoire, mais je vous crois sur parole, et j’en suis profondément malheureux pour lui. J’ai beaucoup de mal à croire à la mère qui déchire la lettre de la mère bio sous vos yeux. Que d’autres l’aient fait à la maison sans doute, et c’est catastrophique, faut il condamner toutes les familles pour autant ou les soutenir, les aider à progresser ?
Je vous répète que je suis heureux de votre message Sophie, mais je reste sur ma faim, car il ne m’explique toujours pas pourquoi une grande spécialiste de l’adoption a pu faire pour faire prendre de tels risques à des enfants, en jouant sur des phénomènes (moments critiques habituels majorés par un évènement inhabituel) finalement assez prévisibles et connus d’une spécialiste de votre niveau, en tirant sur les vieilles ficelles des ennemis farouches de l’adoption que nous avons condamné ensemble.

JV de Monléon

mardi 2 mars 2010

Réponse à mon Bernardo.


Héhé Bernardo, je t’ai laissé avec plaisir les clés du blog, en toute confiance et amitié, je t’ai laissé donner un coup de balai et éteindre la lumière en sortant, mais je reviens, j’ai bien trouver les clés sous le paillasson et comme tu me connais je ne me gêne pas pour rajouter une petite bafouille.

Je comprends ton embarras (j’emploie est termes plus raffinés que toi) de me voir envoyer des scuds à certains de tes amis, qui jusqu’il y a peu étaient des gens pour lesquels j’avais du respect pour ne pas dire une certaine amitié. Mais au risque de te vexer profondément en utilisant une comparaison honteuse que seuls les fans de mon deuxième blog comprendront, là tu t’es comporté en arbitre irlandais du nord arbitrant un match de coupe d’Europe entre une équipe anglaise et une équipe française ! Un joueur anglais peut sauter à pieds joints sur la tête d’un français, ce sera carton jaune parce que ce serait fait dans « l’esprit ». Alors que si un Français effleure involontairement le gros orteil d’un représentant de la perfide Albion, on peut envisager pour lui un carton rouge avec une suspension sur plusieurs générations.
Plus sérieusement, malgré le respect et l’amitié que j’ai eu pour eux, j’ai vraiment du mal à leur trouver des excuses.
D’abord parce qu’il y a eu préméditation. Depuis la mise en route du rapatriement, des rumeurs le signalait menacé, des rumeurs faisait état d’attaques, et c’est pour cela que parfois contre vents et marées, je me battais pour sa survie malgré tous les défauts qu’il pouvait avoir (multiples bras, jamais assez rapide pour les familles qui attendent, personnel- y compris ou surtout les cellules psy d’urgence- ne connaissant pas l’adoption). Qu’est ce que représentent ces défauts par rapport au sort de ceux qui sont encore là-bas, et qui sont pour moi des petits Français ? Je savais qu’on aurait des sales coups, mais je ne m’attendais pas à ce qu’ils viennent de ces deux-là, qui pour connaître de bonnes parties de l’adoption, qui pour être de bons cliniciens, n’en ont pas moins fait n’importe quoi ? Et ma question reste : pourquoi ?
Et là je n’ai pas la réponse, est-ce pour couler l’adoption individuelle, c’est un raccourci un peu hâtif, si tu penses à une guerre entre ministres, moi je n’en sais rien.
Moi j’ai peur que ce soit pour pas grand chose, pour jouer aux chevaliers blancs à tout prix, pour avoir leur mot à dire, si ce n’est que ça c’est grave ! Ils ont fait le lit de gens opposés à l’adoption. Certains ont profité de l’émoi bien réel de ce qui se passait à Orly, mais qui se passe de manière presque identique lors d’autres arrivées (cf mon billet : Merci). Eux deux n’ont peut être été que la goutte d’eau, mais très grosse goutte qui a fait déborder le vase, ils méritent plus qu’un carton rouge ! Ton carton jaune est beaucoup trop gentil à mon goût.
Je vais être très dur, mais quand on nous annoncera que certains enfants « non rapatriés » du fait de cette interruption vont décéder, je serai très malheureux, mais je me sentirai plus à l’aise, à ma place qu’à la leur.

Tu as l’air de dire qu’ils ont servi de prétexte, qu’ils ont été manipulés. Sans doute, sans doute que nous le sommes tous un peu, peut-être que comme tu l’évoques il peut y avoir des querelles bien au dessus de nous, dont nous ne sommes les pions. Je veux bien être un pion, qui va au sacrifice s’il le faut, même pour ne sauver que quelques enfants. Si nos deux amis en sont maintenant se lamenter (je n’en suis pas si sûr), de s’être fait manipuler, d’être responsables sans le vouloir de cet état de fait, je n’ai pas beaucoup de pitié pour eux.
EN ce cas ils me feraient penser à ces déçus du stalinisme qui la bouche en cœur il y a 10 ans, nous déclaraient « on ne savait pas ! ». Pour ne pas savoir que derrière le rideau de fer, c’était pas le paradis il fallait être au choix très naïf (je suis poli, je pense plutôt à un mot de 3 lettres) soit très faux-culs. Qu’ils ne me fassent pas croire qu’ils pensaient découvrir le pays des Bisounours à Orly, même avec le maximum de précautions, il semble évident que des enfants ayant vécus un tremblement de terre, des nuits dans l’angoisse sous la tente, le manque de nourriture et pour finir de nombreux bras et un long voyage en avion allaient être très bien, détendus et joyeux dés leur arrivée… et pourtant, moi qui continue à en voir en consultation presque tous les jours, je peux te dire qu’il y en a certains (et même la plupart) qui vont bien, bon il ne faut pas baisser la garde continuer à bien les soutenir et bien soutenir leurs parents, finir de traiter leur gale, leur teignes, leurs diarrhées et surtout leurs angoisses, mais après quelques jours ça ne va pas si mal.
Qu’ils ne me fassent pas croire qu’ils croient que les petits bouts que l’on a laissé en Haïti vont mieux que ceux rapatriés et qu'ils sont restés dans l’île aux enfants et que Casimir va arriver pour les nourrir de gloubi glouba et leur faire de gros câlins. Ho ho on se réveille !


Je suis bien d’accord avec toi, pour dire combien la créolitude à bon dos, ça encore c’est une grande découverte : vraiment incroyable, en arrivant les enfants adoptés ne parlent même pas LA langue, quels ingrats, mais on se demandent ce qu’ils foutent dans les orphelinats, prennent même pas un peu de temps pour leur apprendre à causer aux bamboulas ! Plus sérieusement je vais vous faire une grande révélation, avec les enfants, les miens (à la maison), et ceux que je voient lors de mes consultations ou de mon service, j'ai bien l'impression que ceux qui ont moins de deux ans, et ben ils ne parlent pas la même langue que moi, ils ne comprennent pas tout ce que je dis, mais qu’est ce qu’on peut avoir comme échanges, comme communications, bien plus qu’avec beaucoup de commentateurs d’Agoravox !

Une dernière chose sur leur témoignage, le coup de la lettre déchirée, j’ai du mal à le croire, je sais que des parents sont capables de faire cela, toi aussi tu le sais et eux aussi, c’est une de nos missions en tant que spécialistes de l’adoption de leur expliquer combien c’est dangereux. Mais j’ai du mal à imaginer un tel geste, se faire à Orly avec tous pleins de témoins autour, et quand bien même parce qu’il y a des parents adoptifs cata doit-on punir tous les autres, et leurs enfants avec ?
Dommage de profiter de l’urgence haïtienne pour parler des lacunes de l’agrément. Dans le même ordre de choses, je pense que des parents ont pu changer les habits de leurs enfants sur place, c’est maladroit, mais comment les juger là-dessus, on leur a tellement dit qu’il y avait plein de gale, de teigne, qu’ils ont pu avoir peur, ils ont parfois aussi penser qu’ils seraient plus au chaud, plus confortables avec d’autres habits…. et alors ça suffit à condamner les autres ? Et tu crois que les enfants comprendront quand on leur expliquera : « Bon ben les enfants, vous allez rester là, on est pas sûr que vous ayez de la nourriture, de l’eau un abri pour la saison des pluies ou des médocs pour les épidémies, mais vous comprenez on peut pas continuer à vous rapatrier. Là- bas il y a des parents qui ont changés les habits de vos copains, c’est insupportable, on a quand même nos priorités, faut pas déconner ! », je caricature oui, mais moins dangereusement qu’eux ne l’ont fait.


Nos deux compères, je leur en veux plus qu’à Marcel. Tu as raison sur plusieurs points : le coup des « familles dans leurs petits pavillons » c’était nul. Et c’est vrai, Marcel, ta concierge le connaît et ça c’est grave, pas pour ta concierge, mais parce qu’on lui demande son avis sur tout, et qu’il le donne. Marcel il est sa place dans les médias, il est là, il occupe le terrain, il raconte pleins de choses et quand Marcel parle, tout le monde l’écoute, tout le monde est bidonné, car il en a de l’humour, mais le souci c’est qu’il parle de tout, en long en large et parfois en travers sans toujours connaître. J’adore parler de rugby avec lui, j’adore l’écouter sur l’anorexie mentale, il est très bon sur ce sujet, et là ses méthodes en ont sauvé des gamines ! Quand il parle d’adoption, il a moins d’expérience, je l’ai déjà pris de front dans des conférences, là j’essaie d’être plus « délicat » (si, si parfois je peux être délicat), peut-être je me suis habitué à ce qu’il fallait faire avec lui, et de lui montrer des exemples concrets pour tenter de faire varier ses points de vue. Ce qui m’ennuie plus c’est que certains médias ou politiques lui demandent son avis sur tout ou rien que pour plaire à la concierge de Bernardo. Et on peut lui reprocher à lui d’accepter cela.
Bernardo, je te lance un appel, quand je ferai dans mon blog un billet sur "L’incroyable retournement de situation à la dernière minute du seizième de finale du match de curling entre le Liechtenstein et le Kazakhstan lors des derniers JO", ou sur "Pourquoi Sabrina a été virée de la Ferme des célébrités en Afrique", ou sur "Comment j’ai fait pour changer mon joint de culasse", je compte sur toi pour me dire : « Ferme ta gueule et ne parle pas de ce que tu ne connais pas ! ». Il faut dire cette phrase à Marcel, sans doute, mais ce n’est pas lui qui a fait fermer les rapatriements.

Quelques brèves à propos d’autres sujets que toi ou les commentaires de ton billet évoquent.

Pour l'adoption individuelle, je ne sais pas si certains en profitent pour faire passer ce sujet, mais il y en a tellement qui profitent de Haïti pour régler leur compte que....

Et puis arrête de jouer à l'ours avec ton bon coeur, que je connais. Il est normal que les parents expriment leurs inquiétudes, leurs douleurs, c'est terrible de perdre un enfant, cela fait encore plus peur d'avoir peur de le perdre.

Une petite réponse à Zench, à propos de sa jolie formule sur le déracinement brutal ou en douceur, il a oublié une troisième possibilité, que l’on pouvait aussi laisser le jeune plant dans une terre qui a subi un traumatisme, qui n’est plus arrosée et où il n’a aucune chance de pousser !

A propos du voyage dans le pays d’origine, de la connaissance du pays de naissance de leur enfant par les parents adoptifs, je suis pour à 100%. Et je trouve dommage que certains pays comme l’Ethiopie (autrefois) et la Corée (toujours) l’interdise.
Mais il y a des circonstances où cela ne peut pas, ne doit pas se faire… Dans le Haïti actuel…. faut pas exagérer, je crois que l’on n’a jamais vu un tel séisme, envoyer des familles sur place on court à la cata, pour leur sécurité (on a vu des policiers piller l’aide humanitaire), et parce que la situation vis à vis des futures adoptions reste trop opaques pour les laisser se démener pour rien ! Soyons raisonnables !

Voila mon Bernardo, n'oublie pas de seller mon cheval et de m'envoyer combattre de nouveaux moulins, mais ne fais pas exprès de desserer la courroie de la selle de Tornado, juste pour le plaisir de me voir me vautrer dans la boue !

Ne parlant pas la langue de Cervantés, j'espère que tes derniers mots ne sont pas des propositions indécentes.... de mon côté je te fais une accolade bien virile.

Sache que la porte de ce blog t'es grande ouverte, tu sais où trouver les clés pour d'autres communications, sur l'autre blog aussi, j'ose espérer un billet sur les talonneurs puisque tu connais mieux que moi ce poste de psychopathe !

lundi 1 mars 2010

Lettre ouverte de Bernardo

Pour la première fois dans mon blog, un billet qui n'est pas de moi mais de mon fidèle Bernardo. En quelques mots, son vrai nom c'est Bernard Tomianka, sympathique grande gueule et grande sagesse sur l'adoption internationale, fondateur et très longtemps président de l'excellente APAEC. Je lui ai proposé cette lettre ouverte car plusieurs de ses messages n'arrivaient pas à passer sur mon blog.
Il est le bien venu, et je lui laisse la parole.






LETTRE OUVERTE A UN AMI

Cher JayVee

Sophie Marinopoulos et Pierre Lévy-Soussan sont mes amis. Jean Vital de Monléon est mon ami. Quand mes amis sont borgnes, je les regarde de profil. Mais quand ils se balancent des scuds les uns sur les autres, ça me fait bien chier….Tu cognes sur mes amis, mon ami, et je n’aime pas, même si tu as tes raisons (ton billet du 21 février).

Que Sophie et Pierre aient décrit ce qu’ils ont vu à Orly est leur droit. Leur devoir aussi. Qu’ils en tirent des conclusions trop hâtives, ça c’est carton jaune. Même si les faits qu'ils décrivent sont exacts (ce dont je ne doute malheureusement pas), leur texte est beaucoup trop "réducteur". Ils ont raison de rappeler que l’adoption n’est pas un acte humanitaire, mais leur appel à des mesures spécifiques propres à l’adoption à ne pas confondre avec les exigences des sauvetages humanitaires, n’a évidemment pas été entendu par les autorités, qui n’ont voulu voir qu’un comportement délétère des parents. Membre du CSA, tu es bien placé pour savoir que nos gouvernants désiraient depuis un certain temps interrompre toutes les adoptions individuelles (Haïti, Russie, Mali, …et peut-être aussi Polynésie ?). Le rapport de Sophie et Pierre, de même que celui de B. Golse, apportent la clé définitive aux autorités pour fermer la porte aux adoptions par démarche individuelle. Nous, associations de parents, demandions qu’avant d’interrompre ce mode, on mette en place des dispositifs de remplacement. C’est raté. De nombreux enfants iront en Italie ou en Espagne (pays où l’adoption était quasi-inconnue il y a encore 10 ans) plutôt qu’en France et il ne nous restera que l’AFA (qui se débat avec ses autorités de tutelle) et nos OAA (configurés comme des petits clubs amateurs, à 2 ou 3 exceptions près, et à qui on demande de fonctionner comme des pros sans vraiment leur donner – ou leur imposer – les moyens).

Résultat des courses : blocage complet des nouvelles arrivées. Jusqu'à quand ? Et quelles mesures sont prises pour ces enfants en "suspens" ? Qui s'occupe d'eux pour le moment sur un plan physique, moral, psychique ? Ne sont-ils pas, d’une certaine façon, victimes innocentes d’une rivalité Kouchner-Morano ?

Mais que fallait-il faire pour offrir la meilleure protection possible à ces enfants dans cette situation de catastrophe totalement inattendue et imprévue (imprévisible, même) ?
Je suis convaincu que laisser les enfants en Haïti aurait été la pire des solutions. Les débarquer brutalement dans les bras de leurs parents adoptifs n'était peut-être pas non plus la meilleure solution.
Mais il ne me semble pas que le stage en Guadeloupe soit la panacée. Elle a bon dos la langue créole (je ne suis cependant pas sûr que le créole guadeloupéen soit tout à fait similaire au créole haïtien). Même si les situations ne sont pas superposables, on ne peut pas dire que le fait de ne pas parler français ait posé un grave problème psychologique à nos enfants adoptés depuis des dizaines d’années.
En Guadeloupe, il y a les cocotiers, la chaleur et le créole, mais à part cela, c’est un nouveau déracinement pour les enfants et à 40 enfants pour 15 jours, cela va ralentir considérablement le système. C'est tout le monde (enfants, parents, encadrants, etc.) qui se trouve dans un environnement inconnu et c'est créer une structure nouvelle et peut-être même traumatisante pour les enfants déjà psychiquement cabossés par le séisme et ses conséquences, avant de les trimballer à nouveau dans un nouveau pays. Pour les parents aussi, cela ne va pas servir à grand chose car ils ne comprendront pas pour autant le pays de leur enfant, ni ses désarrois.

Pourquoi ne pas avoir envisagé un accueil en France dans des lieux collectifs (genre pouponnières pour des enfants de 0 à 12 ans…), encadrés par du personnel qualifié (dont des bons psys !), avec la visite d’Haïtiens de France qui pourront leur parler en créole et servir d’intermédiaires. On peut certainement trouver de nombreux bénévoles haïtiens qui auront envie de donner un peu de leur temps pour ces enfants et leur expliquer leur vie future en leur présentant leurs parents.

Les parents pourront, comme dans le cas d’une adoption française, prendre connaissance de leur enfant peu à peu jusqu’à ce qu’enfants et parents puissent partir ensemble construire leur vie de famille. En cas d’échec, qui peut toujours se produire, les uns et les autres pourront être soutenus par les professionnels en place. On recrée ainsi le « sas » que préconisent les autorités françaises et que pratiquent toutes les ASE.

Encore aurait-il fallu, dans ce cas de figure, que les parents ne soient pas tous à Orly et que les enfants arrivent incognito. Je ne sais pas si c’était possible…

Je ne sais pas pourquoi cette solution n’a pas été envisagée. Peut être que je me trompe complètement, je ne suis pas psy…

J’anime et participe depuis de nombreuses années à des réunions avec des postulants, concernant un pays où les procédures sont d’une grande simplicité, d’une grande efficacité et d’une grande transparence (parce que le pays d’origine en question s’est doté de la volonté et des moyens de mettre en place une structure de contrôle efficace). Je déplore néanmoins de voir de plus en plus monter un certain « consumérisme » dans le désir d’adoption (« Je désire un enfant, donc on doit me le confier » - je schématise volontairement). Je ne suis donc pas étonné si des parents adoptifs ont fait de grosses gaffes à Orly (l'angoisse ? l'attente ? les caméras ? l'énervement ? le contexte politique, social, psychologique ? un manque de préparation et d’écoute ? l'ensemble de tout ça ou tout autre facteur), mais on ne peut pas généraliser à partir de cela et mettre en accusation tous les parents adoptifs d'être à l'affût de l'enfant à tout prix.

Toutefois, dans ce contexte, il y a un deuxième point que j’aimerais souligner et qui me désole un peu dans ton blog de ces dernières semaines : la plupart des commentaires sur tes derniers posts. Il ne s’agit que de parler de son propre cas, de son propre enfant, de son propre problème. Ce sont des commentaires du style « Merci Docteur d’écrire ce que j’ai envie d’entendre » ou « Laissez-moi vous exposer mon cas ». Je force volontairement le trait et je schématise mais je ne suis pas loin du fond de ces messages.

Aucun message disant « "on vient de rencontrer notre enfant d’Haiti ; pour l'instant ça a l'air d'aller, mais on n'est pas tranquilles ». Aucun qui n’exprime une peur du lendemain, aucun qui ne semble se dire qu'après toutes les épreuves qu'ils ont subies, ces enfants sont sans doute terrorisés à l'idée que s'ils se rebellent de quelque façon que ce soit, on va à nouveau les retrimballer ailleurs. Qu’ils sont donc aujourd’hui dans une position de « stand-by ». C'est pas le syndrome de l'aéroport de Bogota, eux, c'est l'angoisse des secousses de Port au Prince. La résilience d'accord, mais pour rebondir faut d'abord tomber. Laissons- les poser leurs valises et on verra d'ici quelque temps comment ils ont vraiment digéré les événements. Ce n’est pas qu’avec de l’amour et des bons sentiments (même si c’est une condition nécessaire) qu’on crée une famille.

J’aimerais une vision plus large et plus ouverte, une vraie prise de conscience collective des problèmes auxquels est aujourd’hui confrontée l’adoption internationale en France. Ce n’est pas uniquement le cas de mon Mickaël, de ma Laura ou de mon Christian, bloqués en Haïti et dont je reçois des nouvelles tous les jours et qu’il faut faire venir par tous les moyens en France parce que c’est le mien, mais c’est le cas de milliers d’enfants qui ne seront plus adoptés par des Français, parce que l’adoption par démarche individuelle (c’est-à-dire ne passant ni par l’AFA, ni par les OAA, voir plus haut) va être supprimée.

Dans cet esprit, que les positions de Marcel Rufo dans le Parisien du 15 février puissent ne pas faire réagir, ça me court-circuite les deux neurones qui me restent. Le pompon ! On peut déconner sur tes copains Georges de la Jungle ou quelques courageux anonymes. Là, c’est du sérieux. C’est un mec connu de ma concierge, le Rufo. Dans cet interview, cet éminent spécialiste de l’adoption (il a dû faire 2 papiers sur ce sujet dans sa vie et deux émissions de télé) préconise le sas guadeloupéen (Morano-Rufo, la charnière de l’équipe du Ministère de la famille) et un suivi psychologique annuel des enfants adoptés jusqu’à leurs 18 ans. Eh ! vous avez bien lu, tous (je m’adresse à tes lecteurs, mon bon Docteur) : une mise sous tutelle de tous nos enfants jusqu’à leur majorité ! Vous acceptez ça, vous ???? C’est à cet article qu’il faut 87 réactions ! Or, à part le MASF, je n’ai pas vu beaucoup de réactions.

Je ne suis pas sûr qu’en publiant leur article, Sophie et Pierre aient pris conscience de l’apport considérable qu’ils offraient aux autorités pour tout bloquer. Je suis en revanche convaincu que Rufo, lui, savait. C’est pas mon copain.

Je continuerai à seller ton cheval aussi longtemps que tu le voudras, Senor Z, mais si tu me dis « Bravo », je t’en colle une !

Con alma,

Bernardo