Je vais vous parler de la première rencontre qui m'a bouleversé pendant mon voyage à Madagascar, cela faisait seulement quelques heures que j'avais débarqué et j'ai eu l'immense immense honneur de rencontrer un homme exceptionnel.
Essayez d'imaginer que vous pouvez passer quelques instants avec quelqu'un que vous admirez, quelqu'un qui est pour vous un modèle, quelqu'un qui réalise des choses inimaginables, et vous comprendrez ce que j'ai ressenti.
Pour moi cela aurait pu être Thierry Dusautoir, David Lodge, JMG Le Clézio ou Bono, un excellent rugbyman, un écrivain débordant de talent, ou une rockstar humaniste et talentueuse. J'ai vécu bien mieux que cela, j'ai pu rencontrer : le Père Pedro. J'ai pu parler quelques dizaines de minutes avec lui, j'ai même quelques photos avec lui et des enfants. Ces enfants malgaches qui comptent tant pour lui pour lesquels il a déplacé des montagnes, au sens figuré mais aussi au sens propre. Certaines collines autour d'Antananarivo sont marquées par le Père Pedro, parce qu'il y a fait creuser des carrières pour subsister ou parce qu'il y a construit des villages.
Le Père Pedro n'est pas encore très connu en France, et pourtant, et pourtant.... Vous savez, ou vous vous doutez que je suis un catho, un catho qui aime plutôt le concret, l'action plus que l'oraison (je disais auparavant que je comprenais mieux Mère Térésa que Sainte Thérèse de Lisieux, mais je ne connaissais pas assez la petite Thérèse). Dans la religion, dans l'action, Père Pedro c'est du concret de chez concret ! Mon admiration pour lui n'est pas due à une concordance religieuse mais parce que je suis tout simplement époustouflé par ce qu'a pu réaliser ce bonhomme. Cet homme est chaque année un des favoris pour le Nobel de la Paix, je crois qu'il s'en fiche, sauf que la somme remise au lauréat lui permettrait d'acheter quelques tonnes de riz ou de ciment et que la notoriété supplémentaire permettrait de récolter plus de fonds. Si vous voulez en savoir plus sur ce personnage exceptionnel allez là.
Ou encore mieux lisez ces livres : "Pere Pedro - Combattant de l'espérance - autobiographie d'un insurgé" éditions J.C. Lattès, 2005, et "Pere Pedro - Journal de combat" éditions J.C. Lattès, 2008. Attention vous ne sortirez pas indemne d'une telle lecture.
Il aide des gens à vivre mais surtout à vivre debout avec un travail, avec dignité, sa grande fierté c'est le nombre d'enfants scolarisés, le nombre de bacheliers. Comme ce sont les plus fragiles qui sont accueillis beaucoup de femmes, encore plus d'enfants, sans les hommes (qui ont baissé les bras, abandonnant leurs famille) Akamasoa a besoin de votre aide et pour cela, il faut aller là.
J'avais pu récolter du matériel médical, des appareils à tension, un appareil à faire des Electro Cardio Gramme, grace à l'intelligence de la responsable de l'Etablissement Français du Sang qui plutôt que jeter ce matériel réformé mais en bon état se doutait qu'il pourrait servir à d'autres ! Ma petite famille avait aussi vider les placards de nombreux petits jouets. J'étais donc chargé comme un âne, à la limite du maximum autorisé par Air Mada... J'avais prévenu de mon arrivée avec ce matériel et j'ai débarqué à Akamasoa le lundi après-midi. J'ai pu enfin vider ma valise, dont le contenu a été bien accueilli, des permanentes et volontaires du village me l'ont fait visiter. On est frappé par la sérénité de ce lieu, sa dignité (encore une fois ce mot qui colle tant à l'endroit). J'ai pu visiter l'école maternelle, l'atelier de broderie, le stade, le magasin.
Et puis, au bout d'un moment, j'ai vu arriver le Père Pedro. Un physique de force de la Nature, une voix rocailleuse avec un accent slovéno-argentin inimitable, des formules qui font mouche : "450 élèves de maternelle en trois classes qu'est ce que vous en dites docteur, en France, je serai en prison pour cela !" "C'est l'Esprit-Saint qui me guide, l'Esprit-Saint depuis 20 siècles on aimerait le formater, mais on n'y arrive pas, il est sans arrêt en mouvement, on aimerait lui dire : ééééh arrête un peu, mais on n'y arrive pas, il bouge sans arrêt".
Nous sommes sortis pendant la récréation des petits de la maternelle, et avons été entouré par une nuée de petits sourires et la passion est réciproque, ils étaient tous à se précipiter autour de Père Pedro à l'appeler "Monpera, Monpera" (mon père) et lui était rayonnant, son discours sur les enfants et sa motivation qui tient grace à eux sont sources d'espoir. J'ai eu quelques miettes : des sourires, des "Monpera" aussi pour moi, ce qui a beaucoup fait rire le vrai père. Et un petit malin qui m'a tendu ses bras en courant avec un si beau sourire, j'ai craqué et il s'est retrouvé dans mes bras d'où il pouvait toiser les copains.
Nous avons aussi parlé un peu d'adoption, la position de la communauté d'Akamasoa ne m'a pas surpris, et elle est logique avec tout ce qui se fait là-bas. On préfére "adopter des familles entières" et confier l'enfant qui n'a plus ses parents à la famille élargie, la communauté, ce qui dans cette structure est la meilleure solution. Nous avons aussi pas mal parlé de l'Arche de Zoé, son indignation m'a fait plaisir.
Et puis j'ai dû partir, je ne vous dis pas à quels points ses encouragements à continuer mon boulot m'ont ému.
Il y a des jours comme cela, des jours que l'on oubliera jamais.