mardi 12 février 2013

Ceux qui restent au bord du chemin.




J'ai toujours orienté ma manière de vivre mon activité de pédiatre, et plus encore celle de pédiatre spécialiste de l'adoption, mais aussi mon éthique, en mettant toujours l'enfant au centre de mes préoccupations.

Cela ne m'a pas fait que des amis, valu que des compliments (sic) mais je n'en dérogerai pas !

J'ai toujours pensé en priorité aux enfants, et par exemple, je suis toujours bien bien embarrassé quand je vois un couple qui (à mon avis) n'aurait jamais dû adopter.... fort heureusement, ces situations sont rares, et moins de 5% des familles rencontrées dans ma consultation sont, pour moi ,véritablement à risques majeurs.... ce qui est finalement bien faiblard si on le compare aux familles bios qui présentent les mêmes "capacités".

Vos témoignages (direct ou sur ce blog) me rapportent cependant que je suis considéré comme quelqu'un d'accueillant, de solidaire vis à vis des familles, des parents.
Il est vrai que je n'ai jamais considéré (c'est le tort de certains pédiatres) les parents (et tout particulièrement la mère) comme l'ennemi, l'obstacle qui empêche de bien s'occuper de l'enfant.
Il est vrai que je suis passé, tout comme un grand nombre d'entre vous, par le cruel manque d'enfant, par l'inquiétude de ne pas devenir père un jour, et cela me donne une certaine solidarité .... mais aussi une plus grande sévérité par rapport à ceux qui se laissent aveugler par ce manque pour faire n'importe quoi.

Mais, quand je combats pour le rapatriement des "enfants du séisme", quand je combats pour que les enfants puissent avoir la "considération" d'une adoption plénière, quand je regrette que les chiffres de l'adoption s'effondre, au risque de vous décevoir, c'est avant tout aux enfants que je pense.
Pour preuve, j'ai toujours combattu l'enfant à tout prix, qu'il soit adopté, qu'il soit "fabriqué"... et très souvent en consultation pré-adoption, ou en conférence, j'insiste sur l'importance de pouvoir dire NON, quand dans certaines régions "moins sécurisées" (le bel euphémisme) on nous explique des choses pas très "claires" sur le magnifique enfant que l'on tient dans ses bras.

Mais, je dois vous avouer que si l'enfant est au centre de mes pensées, je ne crache pas sur les "avantages collatéraux". Je me suis quand même réellement senti très solidaire de ceux que j'ai appelé très très affectueusement (si je n'avais pas eu d'affection pour eux, je les auraient baptisés les connards- sic) les "couillons" : les "parents du séisme", qui en plus du stress, vivaient le mépris.




Mais là pour une fois, j'ai envie de dire à certains toute mon empathie (c'est le terme qui correspond le mieux à mon avis) à certains adultes : ceux qui vont rester au bord de la route.
Ce billet est en réaction à un message anonyme sur mon annonce pour ma prochaine conférence versaillaise.

C'est délicat pour le père de famille nombreuse que je suis de conseiller, de dire : "oh ben finalement vous avez bien fait de vous arrêter", "tout le monde ne peut pas y arriver", "au moins vous n'avez pas fait n'importe quoi", voir les "finalement ça vous fera moins de soucis".... le plus irritant étant à mon avis les petites phrases qui tuent de ceux qui n'ont eu aucun souci pour fabriquer leurs progéniture sous la couette, mais qui n'hésitent pas une seconde avant de se mettre à votre (notre) place : "moi aussi, j'aurai bien voulu adopter... mais finalement ça c'est pas fait" ou "oui mais vous savez quand on ne peut pas en avoir, faut passer à autre chose... regardez N (tel personnage historique) c'est sans doute parce qu'il n' a pas pu avoir d'enfants qu'il a fait ces si belles choses".....quand on a des enfants, ça m'énerve déjà bien, mais quand on en n'a pas... j'ose imaginer.... passons...

Je ne vous dirai donc rien, chers gens du bout de la route, juste je le répète, le témoignage de mon empathie, au sens propre du terme : ma compréhension de vos sentiments. Car quand les douleurs sont grandes, parfois ce qu'on préfère, c'est ceux qui ferment leur gueule, mais montrent qu'il sont là et posent une main  sur une épaule affaissée.


Je me dis juste que 7000 à 9000 agréments par an, pour un peu plus de 2000 adoptions par an... ça fait du monde qu'on laisse au bord de la route.... et il faut qu'on y pense, nous les "pros qui gravitent autour de l'adoption" : Conseils Généraux bien sûr, mais les Associations de parents, les médecins, etc...



5 commentaires:

Lalie37 a dit…

Bonjour Doc,
Je ne sais pas vraiment si je suis au bord du chemin, mais après 5 ans 1/2 d'attente d'une fratrie dans un pays de l'Est, un renouvellement d’agrément (le pire), un refus (horrible) après une attribution qui ne correspondait en rien à notre projet, notre couple qui souffre de + en +, l’aîné en souffrance....que faire? Je n'ai pas le courage de renoncer mais plus vraiment d'attendre non plus...
Personne ne nous aide, médecin, Afa, CG...

Merci à Efa et à votre main sur mon épaule.

Peut_ être bientôt un appel.....

Lalie37

Anonyme a dit…

Bonjour
nous aussi 6 ans de procédure pour la Colombie et agrément N°2 en cours pour continuer. Ce témoignage m'a interpellée aussi. Ils ont eu le courage de dire stop. Qui se soucie de nous en ce moment? On gère les multiples rdv en négociant avec nos employeurs, les questions des psys, des as, de nos familles, de notre entourage. On supporte les regards approbateurs ou non, les phrases débiles de certains qui nous blessent mais on ne dit rien car ras le bol de toujours se justifier. On fait face à nos doutes, à nos peurs, à nos moments de tristesse, de ras le bol mais qui s'en soucie? personne! Pour beaucoup d'entre nous on a en plus supporter les traitements avant, les opérations pour certains. On a stopper nos autres projets. Mais je dois dire que le pire c'est l'absence d'infos quant on a la chance d'être enfin accepté par un pays. L'afa était notre espoir d'avoir enfin un organisme qui s'occupe de nous sans nous faire payer un prix exorbitants pour ses services comme certaines OAA. Mais hélas rien de plus que les autres OAA. en 5 ans de procédure j'ai eu un coup de fil du pole amérique pour faire un point il y a 3 semaines!!!! et là surprise mon interlocutrice s'est trompée de couple et m' a cherché ensuite dans sa pile de dossier pour se rattraper. J'ai été dégoutée.Ah c'est super le site et ses petits films, les formations fortement conseillées (qui va nous prendre du temps de l'argent pour y aller sur Paris) Et que dire des AS qui nous ont interrogés pour le 2nd agrément "bon madame monsieur on va recommencer, on va reprendre du début" comment ça du début mais on se connait depuis 5 ans et des rdv tous les ans presque!!!! là maintenant j'ai compris on essaie surement de nous dégouter nous pousser à abandonner. Et depuis rien aucune nouvelle pour notre passage en commission? quand? rien aucune info ni du CG ni de l'afa
Alors oui on va être nombreux sur le bas côté de la route.
Je n'ai qu'une chose à dire maintenant à tous ces professionnels : bougez vous et vite car la grogne monte chez les adoptants tous pays confondus. Si vraiment l'adoption s'arrête dis le et agissez en fonction. Faire attendre plus de 6 ans des couples n'est ce pas inhumain? En conclusion pour ce soir, je suis fatiguée moralement et me demande si vraiment je ne devrais pas faire comme ce couple bigrement courageux. Après les enfants abandonnés voici les couples abandonnés! quelle tristesse bonne soirée Doc désolée c'est à mon tour de pousser un coup de gueule pour une fois je m'exprime et ça fait du bien!

Olivier a dit…

Les chiffres 2012 de l'adoption sont sorti, l'effondrement de l'adoption continue.
Une carte interactive sur mon site
http://olivier.maury2.free.fr/haitiadoption et le lien vers le compte rendu du ministère des affaire étrangère.

Courage à ceux sur le bord du chemin, je vous souhaite de vite reprendre la route
Olivier

Anonyme a dit…

Bonjour Doc,

Je rebondis sur le droit des enfants à grandir dans une famille. C'est ce que mon mari et moi nous défendons depuis que nous sommes entrés dans le "monde de l'adoption".

Nous avons un agrément pour une fratrie de 3 enfants, et avons bataillé avec notre CG pendant 5 mois l'année dernière pour pouvoir adopter une fratrie de 4 enfants que notre OAA nous avait présentée et qui nous correspondait tant !

Mais rien, rien de rien n'y a fait ! Ni notre motivation, notre amour, notre environnement. Notre CG a refusé notre demande, car nous ne correspondions plus (dixit) à l'image qu'ils s'étaient faite de notre "future adoption : 2 enfants par 2". Pire encore, nous nous sommes vu affublés d'une interdiction de déposer une quelconque autre demande d'extension pendant 30 mois !
Sachant qu'un agrément est valable pendant 60 mois... C'est inimaginable !

Où allons-nous ?

On maltraite le bien-être des enfants, et on piétine les couples qui veulent adopter !

Nous vivons depuis 3 semaines un enfer... Et bien oui, la fratrie maintenant séparée est mise à l'adoption 2 par 2 ! Le rêve du CG se réalise, mais celui des enfants ??
Notre OAA nous demande de choisir maintenant !! C'est inhumain...

Et il s'agit ici de l'adoption internationale.

Qu'en est-il des pupilles de l'état ? Qu'en est-il en France de ces milliers d'enfants "abandonnés mais pas tout à fait" ?
Ils doivent grandir, se construire...
Nous sommes ainsi donc des milliers à vivre côte à côte en France, sans que nos "espoirs et désirs de famille" ne se rencontrent jamais...

Où allons-nous ?

Anonyme a dit…

Un commentaire sur l'empathie des pédiatres et autres médecins... et non sur ceux qui restent au bord du chemin... (parce que on en connait tous, certains vous on connus sans enfants, vous êtes parents maintenant de 2 ou 3 et eux toujours pas... et vous ne savez plus quoi leur dire...)
Cette empathie des médecins est bien rare et c'est ce qui vous rend si précieux aux yeux des familles contituées ou à venir. Vous vous souciez de l'individu et de la famille alors que tant d'autres se soucient (ou pas) du dossier ou du lit n°XXX. Vous expliquez, adressez des rapports détaillés quand d'autres vous envoie (enfin pour être plus précis envoie à votre enfant de 7 ans et non à ses parents) une simple copie des résultats d'une analyse de sang dont plusieurs valeurs sont hors des valeurs de références, sans explications ni conseils... sachant que quelques jours auparavant le pédiatre vous a dit qu'il y avait bien un problème mais qu'il ne savait pas lequel et que de ce fait vous n'avez qu'à rentrer chez vous, attendre (sereinement sans doute) qu'un problème se pose et ramener votre enfant aux urgences... peut être que ce jour là ou cette nuit là, un médecin ou un pédiatre aura une idée ?!?
Et je n'ai pas encore cité les quelques remarques ou questions affligeantes que des médecins vous posent du style : "Il parle quelle langue?" "Il comprend ce que je lui dit?" (après avoir expliqué que c'est un enfant adopté, arrivé il y a 3 ans); un autre "et dans la famille, personne n'a de problèmes de ce type" toujours après avoir expliqué qu'il est adopté; pendant un examen le pédiatre exaspéré : "le problème c'est qu'il est malade là. Vous auriez dû reporter le rendez-vous parce que le résultat est faussé. Regardez, là, c'est pas logique. Reprenez rdv quand il ne sera plus malade" Ben non désolé, là il n'est pas malade... pour nous il était au mieux de sa forme... Mais les parents, pfff, ça comprend rien... ils sont sans doute pas très futés, pas diplômés, ça ne sert à rien d'expliquer... Ben non désolée, je suis aussi docteur (mais pas en médecine...) et titulaire de 3 diplômes BAC+5... je pense avoir au moins quelques neurones qui travaillent encore dans mon cerveau...
Oui, l'empathie est une denrée rare... alors restez comme vous êtes...
Une lectrice de l'ombre qui regrette de n'avoir pas trouvé le temps de poster ce commentaire sur vos écrits antérieurs qui ont fait l'objet de commentaires virulents...