mardi 28 septembre 2010

Les Mamans de là-bas

Quoi de neuf toujours Haïti, même si beaucoup d’enfants « apparentés » ont pu arriver en France, même si le séisme semble loin, et est oublié, je pense encore souvent à ce petit pays meurtri.
J’ai beaucoup apprécié pendant tout cet été lors de la matinale de France Inter, une chronique quotidienne sur ce pays qui se reconstruit dans la souffrance, pays qui n’en a pas fini avec les soubresauts, telluriques ou politiques.
Le séisme a aussi touché l’adoption et c’est un lieu commun de penser qu’il y aura un avant et après « Haïti » dans le monde de l’adoption !

Un des sujets actuels, plutôt un des soucis actuels concerne les jugements d’adoption. Beaucoup de familles m’informent que les magistrats refusent de prononcer des adoptions plénières du fait que la mère biologique aurait été identifiée en Haïti, qu’elle était même présente à l’orphelinat et que de ce fait un lien existerait encore et interdirait une adoption plénière.

Du grand n’importe quoi, j’aimerai bien que des juristes viennent à mon Attestation Universitaire, j’aimerai bien qu’ils se tiennent au courant des discussions à haut niveau dans l’adoption où un consensus ( entre divers représentants de l’état, des assoc d’adoptés et d’adoptants et des spécialistes comme votre serviteur) s’est fait il y a quelques mois, un peu avant le séisme pour dire que la différence entre les deux c’est l’héritage… que l’adoption simple est ce qui se passait à l’époque de Napo et que pour l’adoption internationale la chose qui convient c’est l’adoption plénière.
L’adoption simple n’est cependant pas une adoption au rabais, mais malheureusement c’est ce que pensent les juges ainsi que ceux qui la promeuvent pour l’adoption des enfants du séisme, donc les parents et le fameux homme de la rue, le croient aussi.

Une des raisons qui fait que certains veulent pour les Timouns une adoption simple, c’est la présence des mères bio dans les créches…. Chose constatée par les experts de la mission qui n’étaient pas tous de grands experts, notamment de l’adoption internationale.
« Belle découverte » avons nous pensé (on a même fait plus que le penser, on l’a écrit et crié) avec certains amsi dont Hélène, présidente du MASF.

Il y a 8 ans, pour ma thèse d’anthropo, je les ai rencontrées ces mères, j’ai passé des heures avec des dizaines d'entre elles, pour écouter leur témoignages. Je peux vous dire que pour moi les mamans bio si j'ose m'exprimer ainsi : "j'en ai bouffé".... et le respect que j'ai pour elles n'en est que plus important. C'est depuis ce boulot que je prononce plus le mot abandon qu'à bon escient, car je trouve qu'il manque trop de respect pour ces femmes souvent admirables.

Prenons les choses au début : si elles font le choix de se séparer de leur enfant, ce n'est jamais de gaîté de coeur, mais c'est pour leur donner un avenir, l'image qui me vient est celle du jugement de Salomon : aimer son enfant sans égoïsme au point d'accepter de s'en séparer pour un meilleur avenir.

Il est certain que si toutes les femmes, toutes les mères du monde, pouvaient donner une vie décente, une vie d'enfant avec de l'amour, mais aussi de quoi manger, une éducation, etc... cela serait bien. Beaucoup de mères ne le peuvent pas, certaines font le choix de donner un futur. Sans doute faudrait il mieux partager les biens, sans doute notre monde est injuste, cruel... Mais il est ainsi, et tant qu'il est ainsi nous devons avant tout respecter le choix de ces mères. Certaines mères que j'ai pu rencontrer en Polynésie (et c'est le cas ailleurs aussi) ont pu être forcées de se séparer de leurs petits, et je ne le supporte pas, mais la plupart l'ont fait avec conviction, sans joie mais avec un soulagement certain. Dans un cas comme dans l'autre nous devons les respecter.

A ceux qui vous disent : "moi j'l'aurai laissr là-bas, et j'aurai filé du fric à sa mère pour qu'elle puisse le garder" répondez leur sans hésiter : "et bien faites-le, ceux qui agissent véritablement ne s'en vantent pas !", et des ONG humanitaires savent que l'adoption est un "mal nécessaire" pour l'avenir de enfants.


Oui des mamans bio, sont parfois présentes en Haïti auprès de leurs enfants jusqu'au départ de ceux-ci, oui elles ont aimées leurs enfants, oui pour la plupart d'entre elles (et les trafics doivent être combattus sévèrement) leur décision a été claire : plutôt adopté, confié à une famille aimante que restavec.

Est-ce pour cela qu'il faille prononcer une adoption simple, je ne le crois pas.


PS : le respect, l'amitié, que l'on peut avoir pour les mamans de là-bas, n'empêche pas que quand on est parents adoptifs, on devient complétement parents, de vrais parents, si j'ose dire.

17 commentaires:

Chris'2'L a dit…

Pour ce billet, je vous remercie car je pense sincèrement que nous leur devons le plus grand respect. Elles nous confient ce qu'elles ont de plus "cher" afin de nous permettre à notre tour de chérir l'enfant "du ventre d'une autre" et rien que pour cela, je serai reconnaissante à vie à cette mère bio courageuse et respectable.

Difficile pour nos esprits "civilisés" qui n'a de cesse d'essayer de créer des liens mère-enfant à tout prix, quite à en faire des enfants de "l'Institutio" malheureux, perdus, sans repère affectif... alors que vaut il mieux, des adultes mal dans leur peau, que de enfants donnés à l'adoption qui feront, je l'espère pour pas mal, des adultes bien dans leurs pompes !

Je ne sais pas si je me suis bien fait comprendre, mais voilà ce que j'avais à exprimer !

Vous m'avez aujourd'hui réconcilier...

lolotte a dit…

Merci pour ce très beau billet, que je vais archiver pour le faire lire à mes filles un jour, elles qui s'inquiètent tant pour leurs mamans Haïti, dont nous n'avons aucune nouvelles...
A dimanche... sous la pluie, j'en ai peur!

Brigitte a dit…

et les papas de là-bas aussi... certes ce sont plus les mamans qui sont concernées et ce sont plus elles dont on parle, mais il y a aussi des "couples" qui font le choix de confier leur enfant à l'adoption ou comme pour ma fille un père veuf qui s'est battu tant qu'il a pu pour sa fille,
complètement d 'accord avec votre billet
Brigitte

Anonyme a dit…

bonjour Doc !!
et oui , on croit être tranquille enfin rentré en France ;. et revoilà d'autres batons dans les pieds pour nous dire que ce ne sont pas nos enfants ..ggrrrr
la maman du coeur et la maman du ventre....
mon coeur envoie souvent des photos là-bas loin .. en espérant que le ventre les verra et sera confortée dans SON choix d'une autre vie pour son enfant ..
je suis la mère de mes enfants totalement, entièrement même si là-bas deux yeux ou quatre imaginent notre enfant.
on ne peut donenr et recevoir un nom 'à moitié' .. c'est alors nier le vouloir des 2 mères .
A bientot avec les vachettes !!
pascale et SES deux zouaves

VIRGINIE a dit…

Woufffffff, quel article...
Je suis bouleversée par vos mots alors que je viens juste de finir un courrier pour les mères de mes enfants, courrier qui partira en Haïti la semaine prochaine via des parents de ma crèche.
Merci merci.
Virginie
et ses timouns

Anonyme a dit…

Bonjour,
vos billets m'ont manqué.
Mais la je prends enfin mon courage à deux mains pour réagir, réaction épidermique aux premières prhrase. Non tous les enfants ne sont pas rentrés. Pour un petit bout, mais ils seraient encore plus de trois cents, son dossier est au tribunal en attente de jugement. Aucune idée de la durée de l'attente.

Anonyme a dit…

Bravo pour tous vos articles, et notamment celui-ci. Je voulais juste indiquer qu'il y a encore environ 350 enfants apparentés avant le séisme qui ne sont toujours pas arrivés en France, et qui vont devoir encore subir de longs mois de procédure.

plongeurouf a dit…

Bonjour Jean Vital,
Y auraient-ils des magistrats attachés aux situations haïtiennes et d'autres pour la Polynésie Française ??? Où sont-ils les même ? Dans ce cas, pourquoi ces décisions absurdes. A moins que nos enfants ne soient pas entièrement français ... qu'une adoption simple corresponde mieux à leur pensée "hortefeuillène".
Il est bien plus dur de faire évoluer les mentalités quand la volonté gouvernementale n'y est pas.
Joël

Anonyme a dit…

votre thèse ,..... vous auriez du la diffuser OFFICIELLEMENT ET NATIONNALEMENT !!!!!! la notion de "confiage " m'a toujours parue plus appropriée que "l'abandon"!!!!toutes ces mères qui confient leur enfant à une institution pour essayer de lui assurer un avenir meilleur méritent notre plus grand respect !!!!
merci pour cet article... une mamie qui a attendu sa PIMPRENELLE pendant 52 trop long mois et qui a vu arriver LEO 20 mois ti bouchon de Chine le 23/08 (ex lid de mes enfants 12/05/06 ) et qui ne peut que remercier cette maman, ces parents, d'avoir par son geste, permis que mes enfants deviennent aussi des parents amicalement mamie de LEO

Sylvie a dit…

Bravo et merci pour cet article, qui me touche énormément !!
Sylvie, maman de 3 enfants nés au Mali

Odile a dit…

J'ai rencontré la maman de mon fils au Vietnam , à l'orphelinat, qui l'a accompagné jusqu'à son départ avec moi lors de la remise officielle, et je l'admire cette jeune femme, accompagnée de ses parents, un de ses frères, elle m'a bien fait comprendre qu'elle me remettait son enfant en toute connaissance de causes,un réelle passage de relais, une confiance en moi , une belle photo de nous deux qui l'atteste et que je garde précieusement , qui m'émeut toujours.Alors ce que vous écrivez je ne peux que m'y retrouver bien sur.
je n'ai pas pu avoir cette rencontre avec la mère de ma fille, hélas, arrivée d'Haïti en juillet 2009 mais comme beaucoup de famille je ne comprend pas ce qui se passe, avec ses refus de plénière. j'ai en tête la lecture d'un jugement du TGI de Quimper en 2007 (pour le fils d'une copine) malgré une opposition à la plènière du ministère publique. , le juge a été super , 5 page pour expliquer que la plénière, c'est pour l'intérêt de l'enfant, 5 pages de bon sens...j'espère avoir les mêmes ...et pour les autres familles aussi, celles qui ont déjà eu l'épreuve de l'attente de leur enfant aprés le séisme...
Odile et ses bonheurs

Laurence a dit…

Merci pour ces mots. 2 jours avant le seisme, je quittais Haiti apres avoir rencontre mon petit garcon, apres avoir comparu devant le juge. En esperant tres fort que la fois d'apres, quand je viendrais le chercher pour de bon, je pourrai rencontrer sa maman bio. Pour lui dire merci. Pour la serrer dans mes bras et lui dire que je ferai tout pour que le petit etre qu'elle a mis au monde ait une belle vie. Et puis la catastrophe, mon fils evacue quelques jours apres. Je ne la rencontrerai certainement jamais - ou tout du moins pas dans les annees a venir - mais j'ai une photo d'elle. Je la regarde souvent, quand mon fils me fait tourner en bourrique, quand j'ai envie de le ligoter pour l'empecher de faire des betises ;0) Je me demande souvent si elle serait fiere de ce que devient cette petite canaille, si je suis a la hauteur du relais qu'elle m'a passe. Vos mots m'ont touchee car c'est exactement comment je le vois entre elle et moi : un relais pour l'avenir, un futur qu'elle ne pouvait pas lui donner et qu'a travers moi elle espere qu'il aura.
Mon petit monstre ne m'appartient pas, comme il n'appartient pas a sa maman bio. Nous sommes des relais, des passages, des soutients dans sa vie pour qu'il puisse devenir je l'espere un adulte epanoui et heureux.
J'ai appris qu'elle etait vivante, qu'elle avait survecu au seisme. Ce jour la, j'ai ete soulagee. Maman solo de mon fils, je n'etais plus la seule personne qui s'inquiete pour lui et son avenir. Elle etait venue prendre de ses nouvelles. Nous sommes 2 a vouloir son bonheur. Et on n'est jamais trop de 2...

Lo, et son timoun canaille.

Stéphane a dit…

Oui, cette idiotie est signé par une note de service du ministère de la justice à la demande du Ministère des Affaires Étranges et Européenne et de ce brave KOUCHMARD (je lui souhaite la chtouille et la vérole réunis).

Concrètement nous sommes dans un cadre juridique pour discrimination raciale et violation de la constitution et atteinte aux droits de l'homme ...

Ce n'est pas une question d'esprits civilisé, puisque les décisions de justice ne sont pas respectées.

Le tribunal de Cherbourg à accepté l'adoption pleinière, le préfet s'y est opposé est à renvoyé l'affaire à la cour d'appel de Caen (ou il à un bon pote juge ...).

Ceci dit, plus qu'un an et demi à tenir avant un changement de gouvernement, peu être plus tôt ...

Zench, je n'ai pas besoins de soigner ma "haine", elle est là autant qu'elle serve à quelque chose, nous en avons trop bavé pour que ça reste impuni.

Maintenant que nos enfants sont là, c'est "la mélodie du bonheur", mais je n'oublie jamais les crasses qu'on me fait et il y à toujours un prix à payer !

Aude a dit…

Un grand merci pour cet hommage aux "mamans de là-bas", cher Doc!
J'ai eu la grande chance de rencontrer la "maman de là-bas" de ma fille arrivée d'Haïti en avril 2009. Elle m'a confié légalement son enfant devant le juge. Mais ensuite, nous avons dépassé le cadre légal et nous avons parlé ensemble de nos vies, nous avons partagé nos histoires, devenues "notre" histoire, à jamais. Elle m'a confié son enfant et j'ai essayé tant que j'ai pu de la rassurer... Chaque jour, j'essaie d'être à la hauteur de ce privilège. Oui privilège! J'ai le privilège d'être la maman d'Ella, d'être le maillon qui manquait dans sa vie, d'être le relais quand cette "maman de là-bas" ne pouvait plus être maman à part entière. Je ne sens pas une maman au rabais pour autant! Je suis LA maman.
Courage, humilité, dignité, humanité: cette rencontre restera à jamais gravée en moi. Je pense à elle, souvent. Et je ne sais pas si elle est encore en vie...

Stéphane a dit…

Pour Aude :

Concernant ceux qui ne savent pas si la famille biologique de leurs enfants sont encore envie, je suis dans le même cas et j'ai demandé à la directrice de la crèche si elle avait des nouvelles.

Elle m'a dit qu'il est impossible de savoir qui est encore en vie tout simplement à cause des déplacements de centaines de milliers de gens partit à la campagne dans leur famille ou dans les camps sur port au prince (celui du champs de mars compte près de 30 000 personnes).

Le meilleur moyen est d'attendre et de demander régulièrement des nouvelles aux crèches.

Anonyme a dit…

Merci, oh merci !

pour la première fois je viens sur ce site. il faut dire que je ne suis plus dans "le milieu de l'adoption" depuis un certain temps... Il y a plus de onze ans que mes enfants sont là, et ils ont eu à un moment le besoin de ne plus entendre parler de tout ça, c'était évident...

Mais votre discours sur les mamans, et pour nous ce sont les parents, père et mère quoi, me vient droit au coeur. il est le reflet des paroles que je tiens depuis le début, mais je ressens souvent du scepticisme de la part de mes interlocuteurs ! Et j'ai le sentiment s'être perçue comme E.T. : ce discours est rarissime autour de moi, et je suis un être étrange venue d'ailleurs !
Et pourtant c'est totalement mon sentiment, qui s'est trouvé renforcé lorsque 2 ans après l'arrivée de mes petits, j'ai eu l'immense chance de pouvoir revenir en Haiti et de rencontrer leurs parents biologiques. Ils ne parlent que créole, et qq1 nous servait d'interprète, mais malgré cela, un courant très fort est passé, au point que je considère cette femme comme une soeur, et que je suis profondément assurée que l'inverse est vrai ! Un lien très puissant nous relie...

UNe anecdote très récente : ma fille de 14 ans, il y a qq jours, me parle d'une discussion au collège avec ses amies. Des éclaircissements étaient demandés à ma fille sur ses origines. Sa meilleure amie de plusieurs années s'est crue autorisée à expliquer que les parents biologiques de T l'avaient abandonnée. Elle avait pourtant entendue maintes fois l'histoire de T de notre bouche, et donc le fait qu'il ne s'agissait pas d'un abandon à notre sens.
Ma fille s'est alors vivement retournée, pour lui faire remarquer qu'elle n'avait vraiment rien compris ! Et de lui expliquer que ses parents bio l'avaient confiée PAR AMOUR, et non pas abandonnée...
Quel triomphe pour moi, (et pour ses parents bio me dis-je !) : le message est bien arrivé, là où il était important qu'il passe !!!

Merci encore à vous, pour toutes les mamans et tous les papas d'haiti

mireille

Unknown a dit…

Pour se créer, un lien d'amour parent/enfant a-t'il besoin au préalable d'un "contrat" qui attache juridiquement à vie deux personnes l'une à l'autre ??
Un contrat préalable entre eux-deux est-il la garantie que ce lien va réellement pouvoir se créer ?
L'enfant ne s'attache t'il pas instinctivement à ceux qui l'ont élevé avec bienveillance, affection, compréhension ?