mardi 12 mai 2009

Consultation à distance avant l'adoption

Quelques explications car certains d'entre vous me laissent des messages sur la messagerie du blog. Ce n'est pas grave, je ne leur en veut pas, mais n'est pas le lieu :
D'une part, je pense qu'une consultation doit être un échange entre une famille et un soignant (ou des soignants : des jeunes confrères assistent parfois à mes consultations) et non pas être exposé (sans anonymat) à la vue de tous.
D'autre part, je ne sais pas (et ne veux pas savoir) comment répondre directement à ceux qui m'ont joint sur le blog. Ce blog est un espace publique, les consultations à distance sont un espace privé.

L'éthique de ces consultations est très délicat. Je passe sur le côté médico-légal et les délires de mon vautour préféré qui aime bien raconter partout que j'ai eu des ennuis avec l'ordre des médécins à cause de ces consultations. Je n'ai jamais eu de soucis avec le conseil de l'ordre (avec qui j'ai des rapports tout à fait cordiaux) et j'attends qu'on me reproche de rendre des services que peu de monde peut assurer, et qui plus est de le faire gratuitement au péril de mon sommeil ...
Ce qui est délicat c'est qu'on nage sans arrêt entre l'angélisme et l'eugénisme.
L'angélisme ce serait que le médecin pense : "Cet enfant a sans doute des problèmes, mais l'adoption lui fera sans doute du bien. Je vais donc pousser les postulants à l'adopter." C'est souvent vrai, mais pousser une famille à faire un trop grand écart entre l'enfant réel et l'enfant rêvé arrive à la pire des catastrophes : le deuxième abandon...
L'eugénisme ce serait le médecin qui pense : "Cette famille qui me consulte a confiance en moi. Je vais les pousser à n'adopter qu'un enfant parfait." L'enfant parfait n'existe pas et le dossier (russe notamment) n'est pas toujours évocateur.

Ce jonglage entre ces deux concepts, et la necessité d'une expérience sont essentiels.

Pour des problèmes qui semblent banaux, un médecin de vos connaissances peut vous expliquer certains diagnostics. Mais la consultation avant l'adoption nécessite une expérience notable. J'encourage ceux qui créent des consultations d'adoption, à attendre d'avoir un peu de bouteille avant de se lancer là-dedans. Le bilan d'arrivée on peut y arriver assez vite, la consultation à distance de l'adoption quand il y a des soucis c'est déjà moins fastoche, la consultation avant l'adoption : très casse-gueule ! Il est logique que devant n'importe quel dossier russe, un médecin s'écrie "Surtout pas, le handicap est majeur !" Mais j'ai déjà parlé du dossier russe...

Ce qui est capital aussi, c'est que le choix doit rester celui des parents. En aucun cas le médecin doit dire "Surtout pas çui-là" ou "Foncez, il est nickel-chrome". Le docteur doit donner des explications le plus claires possibles sur le diagnostic et les traitements possibles, en fonction des renseignements dont ils disposent tout en sachant la faible fiabilité de ceux-ci. Et vous parents ne nous mettez pas la pression par la petite phrase qui tue : "Si c'était vous docteur k'es k'vous feriez ?". Le docteur n'est pas vous, méfi comme on dit à Marseille, si vous saviez mon propre parcours familial, vous vous mordriez la langue plutôt que de me poser cette question !

Pour la petite histoire, il ya quelques années j'hésitais beaucoup avant de me lancer, et d'accepter des consultations avant l'adoption. Un jour, une famille est arrivé à me joindre par téléphone, à une époque où tous les tirs de barrage pour me protéger de passer mes journées au téléphone n'étaient pas aussi efficaces. Ils m'ont dit : "Voila docteur, on nous a proposé un enfant qui est HIV positif, qu'est ce que cela veut dire ?". Pour la plupart d'entre vous chers lecteurs c'est clair, cet enfant était porteur du SIDA, ça ne l'était pas pour ces parents. J'ai toujours pensé que le savoir n'a de valeur que s'il est partagé. Avons-nous le droit de laisser des tomber des familles de ne pas combattre l'ignorance ? Je ne leur ai pas raccroché au nez et je suis tombé dans la marmite des consultations avant l'adoption.

Comme je n'avais alors que très peu de temps je n'ai pu créer de vraies consulations pré adoption (qui existent maintenant) et je répondais à distance à ces nombreuses demandes.



Des renseignements plus pratiques : si vous voulez avoir mon avis sur le dossier d'un enfant qu'on vous propose, la consultation directe, une vraie consultation pré adoption, où on se voit, où on peut discuter pour de vrai, est 10000 fois préférable.
Si cela n'est pas possible, que je n'ai pas d'amis dans votre région, vous pouvez m'envoyer un mail à cao@chu-dijon.fr
J'y réponds dès que j'ai un peu de temps, parfois j'en ai très peu...
Vous recevrez d'abord un message expliquant mon éthique, les raisons et les conditions de cette consultation. Je l'ai écrit comme je le pense (un peu brut de décoffrage à la JVM), il peut vous sembler sec, voir impoli, ce que m'a dit une brave dame très en colére, il y a quelques jours mais il correspond à une réalité.
Une fois que vous accusez réception et que vous me donnez votre accord, j'essaie de vous répondre... pas trop en retard (sic).

8 commentaires:

Aline a dit…

Bonjour, juste une réaction à chaud par rapport à la "petite histoire" et l'affirmation HIV+=SIDA. Mon sang n’a fait qu’un tour car je suis maman d’une grande nénette en super forme et par chance pas porteuse de ce foutu virus, qui a été pourtant un bébé HIV+...

Jean-Vital de Monléon a dit…

Dans ce cas là c'était un enfant suffisamment âgé pour que ce ne soit plus les anticorps de la maman.

Mais bonne remarque, les bébés HIV+, ne sont pas tous porteurs du SIDA et tant mieux.

Framboise a dit…

Je profite de ce post pour laisser mon tout premier message sur le blog, que je consulte tous les jours (et quand les articles se font attendre, je rââââle...)

Merci de ces informations sur la consultation pré-adoption.En cas de besoin (dans notre cas en cours pour un second agrément), il est bon de savoir que cela existe et on ira à dijon pour vous rencontrer (vous ou votre équipe).

Et bien sûr merci de prendre le temps de tenir ce blog, toujours instructif et plein d'humour.Même si je me demande comment vous faites pour "tout caser" dans des journées de 24heures !!! (ce qui ne m'empêche pas de ronchonner, comme précisé précédemment, lorsque les nouveautés se font attendre...)

Framboise, heureuse maman de Marilou,21 mois,dans nos bras depuis un an tout pile aujourd'hui.

Tinou a dit…

Bonsoir,
Moi aussi, je me décide de laisser un commentaire sur votre blog que je consulte tous les jours, et plus particulièrement, lorsque presque tous les professionnels stigmatisent les troubles de notre fils à cause de son adoption.
Comme ça fait du bien de vous lire !!!
J'en profite pour vous remercier, encore et encore, pour nous avoir répondu très gentiment par mail, il y a quelques mois. Et oui, je suis la maman du petit garçon qui aime les histoires de loup.
Mais maintenant, il est passé à autre chose : Peter Pan, Spiderman, Scoubidou, les dinosaures... Ouf !! Finalement, il ne se considère pas comme le méchant loup parce qu'il a été abandonné.
Merci Monsieur De Monléon, votre réponse était totalement juste.
Avec toute ma gratitude.

Jean-Vital de Monléon a dit…

Framboise, je vais vous dire mon secret je ne suis pas un humain, je n'ai pas besoin de sommeil, juste de nourritures et de sourires d'enfants pour continuer à avancer...

Merci Tinou, mais ne parlez surtout pas des nouvelles passions de votre bout de chou à votre psychologue : Peter Pan n'a pas de parents et il refuse de grandir, ça doit cacher pas mal de choses, Spiderman est orphelin et son oncle adoptif de père est assassiné ! Quant à Scoubidou....
Héhéhé

Tinou a dit…

Ah !! Mais bien sûr. Quelle naïve!!
Encore merci à vous pour ce nouveau conseil.

Pomme Pomme Girl a dit…

"les délires de mon vautour préféré"
quel humour, c'est délectable :-)))

Anonyme a dit…

Bonjour
Je ne sais si le présent message est à la bonne adresse. En tout cas je pense qu'il est important et vous sera je pense utile ainsi qu'à d'autres parents concernés. Nous avons pu apprécier à plusieurs reprises votre écoute et votre compétence lors de consultations avec nos enfants jumeaux « maudits » de Madagascar qui auront d’ailleurs bientôt 16 ans.
Je vous avais fait part d’un rêve de notre fils Louis qui laissait penser à un abus sexuel à son encontre. Mais à l’époque, ce dernier n’avait pas accepté un examen plus approfondi. Actuellement, il sort d’une période de dépression entrecoupée de crises d’une grande violence qui pour instant n’est heureusement que verbale à notre encontre avec néanmoins des passages à l’acte destructeurs contre des objets et est faute d’investissement en échec scolaire malgré son intelligence évidente. Ce qui nous a frappés aussi tout au long de sa vie et encore actuellement, c’est l’angoisse que le soir une porte ne soit pas fermée à clé.
Il a accepté de reprendre une thérapie avec une psy de tendance psychanalytique et un rêve est revenu laissant penser à une sodomisation dans les premiers mois de sa vie passés dans l’orphelinat. Pour la thérapeute, il n’y a pas l’ombre d’un doute. Lors d’un premier voyage à Madagascar, on m’avait confié que certains orphelinats se doublaient de réservoir de chair fraîche pour prédateurs sexuels, ce que m’a confirmé d’ailleurs une association de lutte contre les pédophiles cf http://www.sosenfantsdemada.org/.
Les vidéos de mauvaise qualité dont je dispose et montrant l’orphelinat les Orchidées de Manananjary et sa directrice montrent aussi le peu de cas qu‘on faisait de la vie et du bien-être des enfants. Les informations que je possède me laissent penser que sa motivation était avant tout lucrative. D’ailleurs elle coule une retraite dorée en Belgique. Les photos des enfants prises au centre que j’ai pu visionner montrent en outre dans certains cas une dépression anaclitique, ce qui était le cas pour notre fille Maeva. Les nounous partageant le tabou sur la malédiction des jumeaux ne semblant pas avoir rempli leur rôle de mère de substitution. De plus, nos enfants, lorsque nous les avons recueillis étaient dans un état physiologique lamentable et pleins de parasites, contrastant d’ailleurs avec celui d’enfants de centres d’accueil pour jumeaux comme Fanatena.
Il ya donc cette réalité qu’il faut prendre en compte à Madagascar, celle de l’adoption bizness et de la prédation sexuelle.
A signaler que j’ai des documents, dont un officiel, impliquant la chargée de mission malgache de l’association dans une affaire d’adoption frauduleuse (pas de consentement à l’abandon des parents biologiques qui se sont d’ailleurs battus en vain pour retrouver leurs enfants, absence d’état civil des enfants)