lundi 21 juillet 2014

Quel dommage que la victime s’appelle Christiane Taubira







Des injures intolérables ont été condamnées, par un verdict très médiatisé à une lourde peine de prison ferme.  « Malheureusement » la victime de ces injures racistes est une des personnes, parmi les plus prestigieuses et les plus controversées du sommet de l’état. Il est tout à fait normal, légitime, qu’elle obtienne justice, mais je me serai beaucoup plus réjoui, si cette condamnation avait rendu justice plutôt qu’au garde des sceaux, à des « petits », petites familles et non pas puissants ou, plus encore petits personnes, c’est-à-dire des enfants.
La force de ce verdict perd malheureusement beaucoup de sa valeur, et d’aucuns ne manqueront pas d’oublier que c’est le racisme qui a été condamné et non un pseudo-crime de lèse-majesté.

On peut rire de tout, de la mort, de la maladie, du handicap, des religions, on peut même se moquer des différences ethniques si le but est d’être drôle. Le joyeux film « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? » a bien brocardé avec subtilité quelques petits clichés.
L’essentiel est d’être drôle et d’avoir surtout le but d’être drôle et non pas de chercher à blesser, à détruire. La frontière est souvent tenue.
Comparer un africain, un antillais, un afro-américain à un singe, ce n’est pas drôle, ce ne l’a jamais été, cela ne peut pas l’être, et on peut s’inquiéter raisonnablement sur le quotient intellectuel de celui qui rit d’une telle plaisanterie !
Parfois minimisé, le racisme est un mal épouvantable qui détruit. Il détruit des hommes, des femmes et plus grave encore des enfants. Le racisme ce n’est pas seulement l’apartheid, c’est aussi des petits mots qui semblent anodins.
Je peux le constater de manière très concrète tous les jours ou presque.  Depuis plus de 15 ans, j’ai la chance de suivre des centaines d’enfants adoptés. Chaque semaine, il m’arrive de voir des adolescents en souffrance, ces fameux enfants adoptés qui font tant fantasmer de l’homme de la rue, au grand patron de pédopsychiatrie.
Quel est la première cause de mal-être chez ces jeunes gens ?
 Sans doute la quête des origines, source d’inspiration de tellement d’œuvres de fiction, ou encore les troubles de l’attachement, pathologie passionnante, qui semble conforter qu’un adopté aura du mal à créer des liens avec sa nouvelle famille. Il n’en est rien, ce qui mine le plus souvent les enfants et adolescents adoptés, c’est le racisme, racisme par rapport à leurs origines ethniques et l’ostracisme par rapport à son statut d’adopté. Ce racisme que nous véhiculons tous, en parlant de « vrais parents » pour désigner les parents de naissance… ce qui semble signifier que les parents adoptés sont donc faux
Il ne faut pas oublier qu’à côté du racisme tel qu’on l’identifie facilement (sale métèque, sale bougnoul, sale négro, ou comparer un africain à un singe) il y a un racisme qui s’ignore, qui se pense « bienveillant » et que certains exprimeront sans honte,  surtout face à des familles adoptives. Puisque leurs parents sont blancs on peut tout dire des enfants adoptés, tout dire sur leur physique, leurs différences. En s’étonnant par exemple qu’un enfant à la peau foncée ne soit pas bon en sport, ou en étant surpris qu’un petit asiatique ne soit pas sage et mauvais élève, comme si le statut de cancre était réservé à certaines origines, et que le « chinois » devait être systématiquement sérieux et  travailleur, et encore en s’extasiant devant le rythme dans la peau et autres poncifs.

2 commentaires:

Bernardo a dit…

Ce qui est gênant dans ce jugement, c’est l’ « échelle des peines », la justice à plusieurs vitesses. Neuf mois fermes pour avoir traité Taubira de «singe», parfaitement OK, si la même peine est infligée à ceux qui se sont baladés avec des panneaux « Mort aux Juifs » ou à ceux qui taguent des slogans anti-arabes (mélangeant arabes, musulmans et extrémistes islamistes). Ce n’est pas le cas ! Ne parlons pas alors du verdict pour un Cahuzac (et bien d’autres) qui a insulté le pays tout entier en nous traitant ouvertement de khons, ni de tous ceux qui alimentent objectivement et égoïstement l’évasion fiscale, véritable crime économique qui ruine le pays.

Mais quelle peine infliger à tous nos gouvernants qui n’ont pas su (ou voulu) éviter la montée des communautarismes, aujourd’hui dernier recours apparent face au mal vivre dû à la crise (aux crises ?). Seront jamais inquiétés ceux-là.
Il y a 15 ans, Pierre Desproges commençait un remarquable sketch antiraciste par « J’ai ouï dire que des Juifs se seraient faufilés dans la salle ce soir… ». Pourrait-il commencer ce sketch ainsi, par ce redoutable humour de second degré, aujourd’hui, sans être traduit devant les tribuneaux ? Il y a 15 ans, Dieudonné aurait-il fait salle comble avec ses propos manifestement orientés et sans aucun recul ? So, what happened, my friend ?

Le racisme ordinaire que tu pourfends à juste titre a toujours existé, Senor Zorro, la France étant un pays qui accepte mal la différence en dépit de sa réputation de pays des droits de l’homme. L’ « autre » n’a jamais été trop bien accepté (on peut disserter à l’extrême sur les raisons de cette peur de l’autre). J’ai bien peur que nous en soyons arrivés maintenant, par laxisme général, à des luttes communautaires aveugles reposant, comme toute guerre de religion, sur des amalgames ridicules et erronés.

Bien sûr, nos enfants en souffrent et tu fais bien de le rappeler. Mais réfléchissons aux raisons qui ont poussé notre bonne copine, Madame Michu, à passer en 15 ans de « C’est drôlement bien ce que vous avez fait là ! » à « Pas étonnant que vous ayez des problèmes avec vot’ gamin, quand on sait d’où qu’il vient et combien vous l’avez payé» (comme tu sais, que nos enfants sont sourds et n’entendent pas ces propos !)

Tristes tropiques…

Unknown a dit…

Je me souviendrai toujours de ce jour d'été... j'accompagnais ma fille au centre aéré. L'animatrice à l'accueil s'adresse à elle et lui dit:"ta soeur est déjà arrivée!". Je lui éclate de rire au nez et devant ses yeux ronds comme des billes, je lui explique que , tout bêtement, si c'était sa soeur, elle serait arrivée en même temps
Même couleur, même famille... Racisme sans mauvaise pensée, réflexion de bêta. Tournons 7 fois notre langue dans la bouche avant de causer, on évitera les platitudes, lieux communs, réflexions à 2 balles... Le racisme c'est souvent vouloir faire rentrer des gens dans des cases, mais des cases de notre propre logique, évoluée ou non, d'où des réflexions parfois méchantes qui ne sont pas forcément dites dans ce sens. Il faut savoir expliquer que la réflexion est débile ou blessante quand elle n'avait pas pour but de faire mal et savoir remballer proprement quand elle se voulait être méchante.